Vestiges d’un monastère de l’Église de l’Orient au Bahreïn
_ Au mois de juillet 2024, la préposée aux actualités de l’Université d’Exeter, Kerra Maddern, a posté un article qui a été largement repris dans le monde, annonçant la découverte des vestiges d’un monastère de l’Église de l’Orient (araméenne) datant de vers 350, sur l’île de Muharraq qui jouxte l’île-État du Bahreïn, dans le golfe persique, et qui est en fait la partie la plus ancienne de la capitale de cet État.
_ En réalité, tout avait été indiqué déjà en 2022 : https://www.thenationalnews.com/gulf-news/bahrain/2022/11/21/ancient-christian-relics-found-in-ruins-of-bahrain-mosque-offer-rare-glimpse-into-history/ . Sous les ruines d’une mosquée abandonnée de 300 ans et dans un vieux cimetière, les chercheurs conduits conjointement par le Prof. Timothy Insoll (Institut d’études arabes et islamiques de l’université d’Exeter) et par Salman Almahari, le directeur des Antiquités et des musées du Bahreïn, ont mis au jour peu à peu les vestiges d’une église et d’un monastère. Très tôt, ils trouvèrent des artefacts chrétiens, indiquant sans nul doute l’identité chrétienne de ces vestiges, notamment cette pierre portant une croix :
_ Nous reproduisons ci-après en français le communiqué de 2024 tel quel, qui est mal écrit et insiste lourdement sur la présumée conversion à l’islam suite à la disparition apparente de la communauté chrétienne au 8e siècle, alors qu’ailleurs, les communautés chrétiennes ont subsisté sous l’oppression grandissante de l’islam, et parfois les massacres (comme en Égypte dès la fin du 7e siècle). C’est dire les pressions exercées, auxquelles fait allusion la 3e lettre du Patriarche Isho‘yahb III (connue comme Lettre 14C) où il écrit que les nouveaux maîtres ont spolié les chrétiens de la moitié de leurs biens. Il convient de rappeler que, dans le monde anglo-saxon, les départements d’études religieuses et a fortiori islamiques de toutes les universités sont arrosés par l’argent du Qatar et de l’Arabie Saoudite. L’auteur ose même parler de « conversions à grande échelle à l’islam commencent à se produire après l’instauration de cette religion en 610 de notre ère » – ce qui est de la pure présentation islamique fantaisiste.
_ Et, en bonne propagandiste, tout ce qu’elle retient de l’histoire des chrétiens du Bahreïn (ou, plus exactement, de la vaste région appelée Uman à l’époque), ce sont des oppositions entre chrétiens, ici entre l’évêque du lieu Samahij et « les autorités centrales » qu’elle ne définit même pas, ainsi que la présumée excommunication d’un autre évêque de ce lieu en 410 et les discussions autour d’un autre au 7e siècle, sans coter aucune source, ni connaître l’histoire de l’école théologique araméenne du Beth Qatraye (d’où vient le nom du Qatar actuel) qui a été un moment concurrente de celle d’Edesse.
_ Notons encore qu’en 2022, de l’autre côté du Qatar, les vestiges d’un autre monastère avaient été mis au jour : voir https://www.eecho.fr/un-2e-monastere-mis-au-jour-aux-emirats-arabes-unis/.
_ Voici le texte posté sous l’autorité de l’Université d’Exeter le 12 juillet 2024 –les caractères gras sont ajoutés ainsi qu’une note :
« Des archéologues ont mis au jour l’un des plus anciens bâtiments chrétiens du golfe Persique, première preuve physique d’une communauté disparue depuis longtemps.
Aujourd’hui, le christianisme n’est généralement pas associé au Golfe, mais l’Église d’Orient, parfois appelée Église nestorienne, y a prospéré jusqu’à ce que des conversions à grande échelle à l’islam commencent à se produire après l’instauration de cette religion en 610 de notre ère. La datation au radiocarbone indique que l’édifice, situé à Samahij, au Bahreïn, a été occupé entre le milieu du IVe et le milieu du VIIIe siècle, avant d’être abandonné à la suite de la conversion de la population à l’islam.
Les fouilles menées par des archéologues britanniques et bahreïniens sous un monticule dans le cimetière d’un village ont révélé un grand bâtiment dont huit pièces subsistent. Il s’agit d’une cuisine, d’un réfectoire ou d’une salle à manger, d’une possible salle de travail et de trois salles de séjour. Ce bâtiment a survécu parce qu’une mosquée a été construite plus tard au-dessus de lui.
Il est possible que le bâtiment ait été le palais de l’évêque du diocèse dont Samahij faisait partie, appelé Meshmahig ou Mašmahig dans les sources historiques, une corruption de « Samahij ». Les archives indiquent que les relations entre Meshmahig et les autorités ecclésiastiques centrales [lesquelles et quelles archives ?] n’ont pas toujours été harmonieuses : un évêque y a été excommunié en 410 et, au milieu du VIIe siècle, un autre évêque a été condamné pour avoir remis en cause l’unité de l’Église.
Auparavant, les quelques édifices chrétiens – églises, monastères, résidences – disséminés dans le Golfe se trouvaient dans de petites localités isolées d’Iran, du Koweït, des Émirats arabes unis et de l’est de l’Arabie saoudite, et la plupart d’entre eux dataient d’une époque plus tardive. Samahij est différent parce qu’il se trouve au cœur d’une agglomération moderne.
Le bâtiment était très bien construit, avec des murs en pierre, plâtrés à l’intérieur, et des sols en plâtre. Des axes et des trous indiquaient où les portes et les bancs avaient été fixés à l’intérieur, et la cuisine contenait plusieurs foyers fabriqués à partir de la base ou du sommet d’amphores, comme des récipients de stockage. Les occupants avaient un bon niveau de vie, mangeant du porc, qui a cessé d’être consommé après la conversion islamique, du poisson, des crustacés et diverses cultures qui sont en cours d’analyse.
La découverte de perles en pierre semi-précieuse de type cornaline et de nombreux tessons de poterie d’origine indienne indique qu’ils pratiquaient le commerce, en particulier avec l’Inde. La communauté utilisait également de la verrerie, notamment de petits verres à vin, une habitude qui a pris fin à l’époque islamique. La douzaine de pièces de monnaie en cuivre retrouvées par les archéologues indique qu’ils utilisaient des pièces frappées dans l’Empire sassanide. Des fuseaux et des aiguilles en cuivre ont été trouvés dans le bâtiment, ce qui signifie que des textiles ont pu y être produits pour être utilisés dans le cadre du culte.
L’identité chrétienne des habitants est démontrée par trois croix en plâtre trouvées, deux qui auraient décoré le bâtiment et une qui aurait pu être transportée ou conservée comme souvenir personnel, et par des graffitis griffés dans le plâtre qui comprennent une partie de ce qui semble être un Chi-Rho [ou plutôt Tav-Qof [1]] et un poisson, deux symboles chrétiens précoces.
Le bâtiment a été fouillé entre 2019 et 2023 dans le cadre d’un projet mené conjointement par le professeur Timothy Insoll de l’Institut d’études arabes et islamiques de l’université d’Exeter et le Dr Salman Almahari de l’Autorité bahreïnienne pour la culture et les antiquités.
Le professeur Tim Insoll a déclaré : « Nous avons été amusés de constater que quelqu’un avait également dessiné une partie d’un visage sur une coquille de perle dans le bitume, peut-être pour un enfant qui vivait dans le bâtiment. « Il s’agit de la première preuve matérielle de l’existence de l’église nestorienne à Bahreïn et elle donne un aperçu fascinant de la façon dont les gens vivaient, travaillaient et pratiquaient leur culte ».
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[1] Bien entendu, ce qui est pris pour un Chi-Rho grec est en réalité la réunion du Qof (de Qyama, résurrection) et du Tav (dernière lettre de l’alphabet dont il faut se marquer pour être préservé cf. Ez 9,4-6 – correspondant au signe de la croix). Voir https://www.eecho.fr/du-signe-du-taw-au-signe-de-la-croix/.
La plus ancienne représentation de ce Qof-Taw date de l’an 69, en Chine : voir https://www.eecho.fr/thomas-en-chine-le-dossier-des-references/.