Revisiter l’Apocalypse : un extrait

La présentation générale de L’Apocalypse revisitée est à lire en premier sans doute, mais rien n’égale le fait de pouvoir lire un long passage de cette étude qui allie compréhension spirituelle et recherches exégétiques et qui renouvelle notre connaissance de l’Apocalypse.

Le passage choisi (voir PDF ici) reprend l’analyse du troisième « fil horizontal » – celui des « sept trompettes » précédé par sa perle d’ouverture. Ce fil est directement suivi par le nœud de la composition d’ensemble :

Les sept trompettes (extraits)

Dans la Bible, la sonnerie de la trompette appelle au combat (Jr 4, 5), marque les fêtes (Nb 10, 10), retentit lors des théophanies (Ex 19, 16), et retentira au jour du jugement eschatologique (Jl 2, 1 ; Mt 24, 31 ; 1Th 4, 16). Une théophanie a effectivement lieu lorsque claironne la 7e trompette : « C’est le règne du siècle et de notre Dieu et de son Messie » (Ap 11, 15).

La perle d’ouverture présente un ange qui jette sur la terre le « feu » [nūrā] de l’Autel céleste (Ap 8, 5). Le fil est ensuite rythmé par la succession régulière des trompettes, ainsi que par certains refrains comme par exemple « le tiers » (quatre premières trompettes) ou l’image du feu ou de la brûlure. On observe aussi l’enfilage des perles : l’autorité des cavales de la 6e trompette est dans leurs queues (Ap 9, 19) comme aussi les dards des sauterelles-scorpions de la 5e trompette (Ap 9, 10).

Faut-il scinder la dernière perle qui dénote par sa longueur ? Non : la 7e trompette est annoncée en Ap 10, 7 mais elle ne claironne qu’en Ap 11, 15. L’ange dont les pieds sont des colonnes de « feu » (Ap 10, 1) et le « feu » qui jaillit de la bouche des deux témoins (Ap 11, 5) font écho au « feu » qui traverse tout le fil. Le séisme d’Ap 11, 13 fait écho au séisme qui advint quand, dans la perle d’ouverture, l’ange jeta le feu sur la terre (Ap 8, 5). On remarque enfin que les trois dernières perles sont annoncées ou désignées comme des malheurs, « hélas ! » (Ap 8, 12 ; Ap 9, 12 ; Ap 11, 14).

Perle d’ouverture (Ap 8, 2-6)

« Et je vis les sept anges, / ceux qui se tenaient devant Dieu,
et il leur fut donné[1] / sept trompettes  » (Ap 8, 2).

« Les sept anges » que voit Jean (Ap 8, 2) sont les « sept anges qui se tiennent toujours prêts à pénétrer auprès de la Gloire du Seigneur » (Tobie 12, 15)[2]. Ils ne s’apprêtent à claironner (Ap 8, 6) qu’après l’accomplissement de deux actions préparatoires par deux autres anges.

« Et un autre vint / et se tint debout sur l’Autel,
et il y avait pour lui / un encensoir d’or.
Et il lui fut donné beaucoup de baumes, / par les prières de tous les saints,
sur l’Autel / qui [est] devant le Trône.
Et la fumée des baumes monta, / par les prières des saints,
depuis la main de l’ange, / devant Dieu. » (Ap 8, 3-4 FG modifiée).

L’offrande de la prière des chrétiens (les « saints » Ap 8, 3-4) rappelle la promesse du livre d’Ézéchiel : « Comme un parfum d’apaisement, je vous accueillerai, quand je vous ferai sortir du milieu des peuples ; je vous rassemblerai des pays où vous êtes dispersés, je serai sanctifié par vous aux yeux des nations » (Ez 20, 41). Jean veut nous montrer que les fléaux qui vont suivre sont adoucis par la prière des saints. La prière des fidèles semble aussi être un élément déclencheur de la sonnerie des 7 trompettes (donc du processus de jugement et de salut du monde).

« Et un ange prit l’encensoir / et le remplit du feu qui [est] sur l’Autel,
et il le lança sur la Terre, / et ce furent des tonnerres et des voix et des éclairs et un séisme ! » (Ap 8, 5 FG).

À l’époque d’Ézéchiel, la ville de Jérusalem et tout le pays sont pleins de perversités « car ils disent : le Seigneur a quitté le pays, le Seigneur ne voit pas » (Ez 9, 9). Et le Seigneur promet « je n’épargnerai pas. Je leur demande compte de leur conduite » (Ez 9, 10). Et l’on connaît la suite : la destruction de Jérusalem par l’armée de Nabuchodonosor et l’exil à Babylone. Or Ézéchiel voit le char divin et comment il est dit à un homme vêtu de lin : « Va au milieu du char, sous le chérubin, prends à pleines mains des charbons du milieu des chérubins et répands-les sur la ville » (Ez 10, 2). Ensuite, Ézéchiel vit le char divin, la gloire du Seigneur, sortir sur le seuil du Temple et s’élever afin d’accompagner ceux qui partaient en exil, tandis que Jérusalem était détruite.

Dans l’Apocalypse, le char divin de la vision d’Ézéchiel est remplacé par l’Autel : l’Autel est devenu le lieu de la présence divine, la présence eucharistique.

Détail surprenant, l’ange lance sur la terre non seulement le feu de l’Autel mais aussi l’encensoir ! Le livre du Lévitique nous explique qu’au grand Jour des expiations, le grand prêtre pénètre avec l’encensoir derrière le rideau, c’est-à-dire dans le Saint des Saints (Lv 16, 12). Que l’encensoir soit jeté, cela signifie le retrait de l’encens du Saint des Saints. Que faut-il comprendre ? La fin du temps de la miséricorde ? Un sombre présage d’une liturgie terrestre qui ne montera plus jusqu’à Dieu ? La charge pour les habitants de la terre de faire monter l’encens ?

« Et les sept anges / sur lesquels [étaient] les sept trompettes,
préparèrent leurs âmes / à claironner. » (Ap 8, 6 FG)

1e trompette (Ap 8, 7) : 1/3 de la terre brûla

« Et ce premier fit claironner.
Et ce fut de la grêle et du feu, / qui [étaient] mêlés à des eaux ;
et ils furent lancés sur la terre, / et son tiers – à la terre – brûla ;
et le tiers des arbres brûla, / et toute herbe de la terre brûla. » (Ap 8, 7 FG)

La perle d’ouverture faisait référence à Ézéchiel. Or ce prophète disait : « Tout comme le bois de la vigne parmi les arbres de la forêt, que j’ai jeté au feu pour le consumer, ainsi ai-je traité les habitants de Jérusalem » (Ez 15, 6). Et c’est bien ce qui se passe avec cette 1e trompette qui annonce ainsi la présence du Juge (comme en Joël 2, 1 ou Sophonie 1, 16).

De plus, la grêle et le feu rappellent la 7e plaie d’Égypte (Ex 9, 24-25), aggravée par l’image du sang (Jl 3, 3-4). Proche de l’auteur de l’Apocalypse, saint IRÉNÉE parle de « l’Exode de l’Église hors des nations », et dit que dans le jugement du monde, « les nations seront frappées des plaies dont jadis l’Égypte seule fut frappée »[3]. La 1ère trompette annonce donc un nouvel Exode, une nouvelle Pâque, c’est donc aussi une trompette de fête (comme en Nb 10, 10).

2e trompette (Ap 8, 8-9) : 1/3 de la mer en sang

« Et le deuxième claironna.
Et ce fut comme une grande montagne, / qui, brûlante,
tomba dans la mer, / et son tiers – à la mer – fut du sang ;
et mourut le tiers de toutes les créatures, / qui [étaient] dans la mer,
en qui il y avait une âme, / et le tiers des navires fut corrompu. » (Ap 8, 8-9 FG)

Précédemment, 1/3 de la terre brûla, et, de la terre, une montagne embrasée tombe maintenant dans la mer. Il s’agit d’un châtiment qui se lit encore sur l’arrière-plan du livre Ézéchiel, notamment de l’oracle contre le prince de Tyr, un païen qui s’enrichissait du commerce de ses navires : « Ils te feront choir dans la fosse et tu mourras de mort violente au cœur des mers. Diras-tu encore : « Je suis un dieu », en face de tes meurtriers ? Car tu es un homme et non un dieu, entre les mains de ceux qui te transpercent » (Ez 28, 8-9).

Nous pouvons tout autant poursuivre avec l’Exode et reconnaître la première plaie d’Égypte par laquelle l’eau du Nil devint du sang et les poissons moururent (Ex 7, 20-21). Cette deuxième allusion est importante : comme la précédente, la 2e trompette n’annonce pas seulement un jugement, mais aussi un nouvel Exode, un Salut.

3e trompette (Ap 8, 10-11) : 1/3 des eaux douces

« Et le troisième claironna.
Et tomba des cieux une grande étoile, / qui [était] brûlante comme une flamme
et elle tomba sur le tiers des fleuves / et sur les sources d’eau » (Ap 8, 10 FG).

La flamme rappelle le feu de l’Autel céleste que l’ange devait jeter sur la terre dans la perle d’ouverture (Ap 8, 5). La chute d’une étoile se réfère à Dn 8, 10-14, où l’attaque du « bouc » fait tomber des « étoiles », prélude de l’abomination de la désolation dans le sanctuaire de Dieu.

« Et le nom de l’étoile se dit : / Absinthe,
et leur tiers – aux eaux – / fut comme de l’absinthe,
et beaucoup de fils d’hommes / moururent,
parce qu’étaient devenues amères / les eaux » (Ap 8, 11 FG).

L’absinthe est le châtiment du retour à l’idolâtrie (Dt 29, 17 ; Jr 9, 14 ; 23, 15).

Le livre d’Ézéchiel qui sous-tend tout ce fil permet d’entrevoir la restauration future, quand les eaux amères seront assainies par la source qui jaillira du Temple futur « en sorte que ses eaux deviennent saines » (Ez 47, 8).

Pour l’instant, l’Apocalypse décrit un drame qu’il faut bien comprendre.

L’eau, c’est la Sagesse : « Celui qui boit, aura toujours soif » (Si 24, 21). La Sagesse n’est autre que la Torah de Moïse, donnée à Israël (Si 24, 23). En disant : « Si un homme a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive » (Jn 7, 37), Jésus s’est identifié à l’eau-Sagesse-Torah. Et puisque Dieu a « regardé » la Sagesse-Torah pour créer le monde, cela signifie qu’en regardant Jésus, le monde pourra être restitué en sa plénitude originelle. En ajoutant : « À quiconque qui croit en moi, comme l’ont dit les Écritures, des fleuves d’eau vive couleront de ses entrailles » (Jn 7, 38 FG), Jésus parle du disciple qui deviendra évangélisateur.

La chute de l’étoile qui transforme les eaux en absinthe signifie la perte d’un élément du Credo, la perte d’une lumière, une sorte d’empoisonnement de la transmission de la foi. Tout naturellement, la trompette suivante apportera un obscurcissement général.

Il se trouve qu’une autre de mes publications[4] permet d’illustrer les conséquences de la perte (la chute) d’un élément du Credo. Ce n’est qu’un exemple :

Le Credo dit : « Il (le Christ mort et enseveli) est descendu aux enfers ». Comment comprendre cette affirmation de la foi, sinon en ce sens que dans sa mort Jésus est allé à la rencontre de tous les morts qui l’ont précédé pour leur offrir le salut ! En effet : la Bonne nouvelle aux morts « est la phase ultime de la mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa signification réelle d’extension de l’œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux. » (Catéchisme de l’Église catholique n° 634).

[Je résume : en Occident, cet enseignement fut oublié pendant des siècles]

Progressivement, par déduction logique, certains en sont arrivés à penser que les non- chrétiens sont damnés (par quel « Dieu d’amour » ?). Première catégorie d’impasses.

En compensation, progressivement, saint Thomas d’Aquin avait suggéré que les non-chrétiens pouvaient avoir une foi implicite[5]. À sa suite, et logiquement, K. Rahner suggère l’existence de « chrétiens anonymes », chrétiens sans le savoir. Finalement, on a dit, et en haut lieu, que la rédemption du Christ est reçue sans annonce du Christ[6]. Toutes ces choses sont impossibles (seconde catégorie d’impasses) : « En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Mais comment l’invoquer sans d’abord croire en lui ? Et comment croire sans d’abord l’entendre ? Et comment entendre sans prédicateur ? » (Rm 10, 13-14)

Dire que la rédemption du Christ est reçue sans contact avec le Christ a pour corollaire le fait que le salut n’a pas lieu dans une véritable rencontre vivante, et cela amène une impasse morale et théologique mise en évidence par Jean-Paul II, Veritatis Splendor 119 (troisième catégorie d’impasses).

[…]

Un autre type de raisonnement, tout aussi contradictoire avec le Nouveau Testament, a été d’imaginer que l’enfer ne soit que virtuel. Mais alors était-ce bien la peine que Jésus parle de l’enfer et accomplisse la Rédemption au prix de la croix ? (Sixième catégorie d’impasses).

[…]

Nous avons donc là l’exemple ce que peut être la « chute d’une étoile ». La répétition : « elle tomba », « elle tomba » (Ap 8, 10) fait voir le mouvement de la chute. […]

4e trompette (Ap 8, 12-14) : 1/3 des astres

À la sonnerie de la 4e trompette, les astres s’assombrissent d’un tiers.

De nos jours, on voit s’établir plus ou moins partout une pollution atmosphérique qui obscurcit tout, jour ou nuit. Il est arrivé plusieurs fois dans l’histoire humaine que des éruptions volcaniques envoient des km3 de poussière dans l’atmosphère, mais de nos jours ce sont les hommes qui répandent dans l’atmosphère des particules.

Comme précédemment, il y a une symbolique biblique. Ézéchiel avait prophétisé contre Pharaon, le roi d’Égypte (Ez 29, 2), parce qu’il disait : « Mon Nil est à moi, c’est moi qui l’ai fait » (Ez 29, 10). Il lui annonça que l’Égypte sera détruite et « ne sera plus pour la maison d’Israël un sujet de confiance, car elle rappellera la faute qui consistait à se tourner vers elle » (Ez 29, 16). Et Ézéchiel lui donna cet oracle de la part du Seigneur : « Quand tu t’éteindras, je couvrirai les cieux et j’obscurcirai les étoiles ; je couvrirai le soleil de nuages et la lune ne donnera plus sa clarté. J’obscurcirai tous les astres du ciel à cause de toi, je répandrai les ténèbres sur ton pays, oracle du Seigneur Dieu » (Ez 32, 2.7.8). Cet oracle, qui est un jugement, s’accomplit à la sonnerie de la 4e trompette contre tous les « Pharaons » des derniers temps, tous ceux qui s’approprient la nature et l’environnement, tous ceux qui poussent les autres à se fier à eux plutôt qu’au Seigneur, tous ceux qui poussent à l’idolâtrie (cette perle s’enfile ainsi avec la précédente).

« Et j’entendis un aigle, qui volait dans les cieux, / qui disait :
Hélas, hélas, hélas, / aux habitants de la Terre !
Du fait de la voix des trompettes / des trois Anges qui vont claironner » (Ap 8, 13 FG).

Dans la tradition[7], l’aigle symbolise l’Empire romain, et par la suite la plupart des « empires ». Par une volonté excessive de centralisation, « l’empire » amène le malheur aux habitants de la terre. Mais dans l’Apocalypse, il est dit que la femme-Église est emportée sur les ailes de l’aigle pour trouver un refuge au désert (Ap 12, 14), c’est donc un aigle bienfaisant, et il y a une espérance.

5e trompette (Ap 9, 1-12) : 1er malheur aux habitants de la terre

La fumée surgie de l’Abîme

« Et le cinquième claironna.
Et je vis une étoile qui tomba des cieux / sur la terre ;
et il lui fut donné la clef / des puits de l’Abîme
et une fumée monta des puits, / comme la fumée d’une grande fournaise attisée ;
et le soleil et l’air s’obscurcirent, / du fait de la fumée des puits. » (Ap 9, 1-2 FG).

L’image de l’étoile qui tombe doit être interprétée dans un contexte ecclésial, sacerdotal. En effet, elle se réfère à Dn 8, 10-14, où l’attaque du « bouc » qui fait tomber des « étoiles » est le prélude de l’abomination de la désolation dans le sanctuaire de Dieu. L’étoile tombée (un chef religieux apostat) ouvre les puits de l’Abîme. L’Abîme [thūmā] est ici le séjour démoniaque. Lors de l’exorcisme du possédé de Gérasa, les démons supplient Jésus de ne pas être envoyés dans l’abîme [thūmā] (Lc 8, 31). À la fin de l’Apocalypse, Satan est envoyé dans l’abîme [thūmā] (Ap 20, 3). Il est aussi écrit : « Dieu n’a pas épargné les Anges qui avaient péché, mais les a mis dans le Tartare et livrés aux abîmes de ténèbres, où ils sont réservés pour le Jugement » (2P 2, 4).

Autrement dit, l’image de la chute et de l’ouverture du puits de l’Abîme décrit l’apostasie d’un chef qui, par une prière aux démons, autorise une infestation démoniaque du monde. Et il faut que ce soit un grand chef pour qu’il ait ainsi autorité d’infester l’humanité.

L’invasion belliqueuse des sauterelles-scorpions

« Et de la fumée sortirent des sauterelles / sur la terre ;
et il leur fut donné l’autorité / qu’il y a chez les scorpions de la terre » (Ap 9, 3 FG).

« Le prophète qui enseigne le mensonge, c’est la queue » (Is 9, 14). À travers l’image de l’obscurité apportée par le nuage de sauterelles ayant des queues vénéneuses comme les scorpions, saint Jean évoque le malheur d’un mensonge généralisé.

Ces sauterelles-scorpions ne portent pas atteinte à l’herbe de la terre, « ni à aucune verdure, ni non plus aux arbres » (Ap 9, 4) : il ne s’agit pas d’insectes mais d’une puissance démoniaque. Aussi ces puissances ne s’en prennent-elles qu’à ceux qui ne portent pas le « sceau de Dieu » :

« À ceux en qui il n’y a pas le sceau de Dieu / entre leurs yeux ;
et il leur fut donné qu’ils ne les tuent point, / mais qu’ils les tourmentent cinq lunaisons :
et leur tourment [est] comme le tourment du scorpion, / lorsqu’il tombe sur un homme » (Ap 9, 4-5).

Les serviteurs de Dieu avaient été marqués d’un sceau sur le front (Ap 7, 3 – 7e sceau), Jean en avait dénombré cent quarante-quatre mille, un multiple de 12, c’est-à-dire le fruit de l’évangélisation apostolique, et la marque qu’ils portent évoque « les hommes qui gémissent et qui pleurent sur toutes les abominations » (Ez 9, 4). Les autres hommes sont tourmentés par ces étranges sauterelles scorpions.

Il faut être saint comme Dieu est saint (Lv 19, 1-2) et il est interdit d’accoupler deux espèces différentes (Lv 19, 19). Or, par exemple, la plupart des vaccins modernes introduisent dans le corps du vacciné un matériau biologique d’une autre espèce par les contaminations liées à la production du vaccin. Il semblerait que l’on puisse ainsi créer artificiellement de nouvelles épidémies[8]. Quoiqu’il en soit, l’image de cet insecte bizarre, à la fois sauterelle et scorpion, évoque la transgression, l’introduction de la confusion à la faveur des ténèbres de la fumée qui sort de l’Abîme. L’insecte aérien a l’autorité de l’insecte du sol. Est-ce l’allégorie d’une idéologie qui voudrait dominer la terre ?

On retrouve la mention du scorpion et des cinq lunaisons, comme en inclusion, à la fin de la description :

« Et ils ont des queues, / comme la ressemblance [de celles] du scorpion !
Et les dards, donc, / dans leurs queues !
Et leur autorité, / pour nuire aux fils d’homme cinq lunaisons » (Ap 9, 10 FG modifiée).

Entre ces deux mentions du scorpion, on trouve une description surprenante et le mot « guerre », au début et à la fin, indique par une nouvelle inclusion que cette description forme un ensemble cohérent :

« Et la ressemblance des sauterelles, / comme la ressemblance de cavales prêtes à la guerre !
Et sur leurs têtes, / comme une couronne à la ressemblance de l’or ! » (Ap 9, 7-9 FG modifiée).

La ressemblance des sauterelles avec les chevaux, ainsi que leurs « faces d’homme » et leurs « cuirasses » (Ap 9, 7-9) a aussi son parallèle dans le livre de Joël dans une vision qui préparait le Jour du Jugement (Jl 2, 3-4). Cependant, l’Apocalypse donne beaucoup de détails tout à fait uniques.

La couronne d’or évoque la royauté, ou le désir de pouvoir. Si l’on en croit Flavius Josèphe, le grand prêtre avait une couronne d’or à trois rangs[9]. Les sauterelles ont « comme » une couronne et qui est en « toc », elle ressemble à de l’or, mais elle n’en est pas. Ce nuage de sauterelles représente un sacerdoce falsifié et politisé. Ces sauterelles ont aussi des « cheveux de femmes » qui peuvent évoquer la féminisation de ce faux sacerdoce.

Ces sauterelles ont des « dents de lion » (Ap 9, 8) qui évoquent une parole devenue agressive, dévorante, la dictature d’une pensée unique.

Elles ont enfin une « cuirasse » (Ap 9, 9), une protection qui cache de la faiblesse : ces êtres n’ont pas en eux la force qui vient de l’Esprit Saint.

La précision des « cinq lunaisons » (cinq mois) ne trouve d’écho biblique que dans l’évangile selon saint Luc : « Élisabeth conçut, et elle se tenait cachée cinq mois [lunaisons] durant » (Lc 1, 24). Pendant ce temps, son mari Zacharie, grand-prêtre, restait silencieux. Au terme de ces cinq mois [lunaisons], il y eut la visite de la mère de Jésus et une effusion de l’Esprit Saint. Après l’Apostasie d’un chef, la Parole du salut est cachée, mais dans le cœur des vrais croyants, elle est riche d’une promesse, comme Élisabeth qui portait le précurseur du Messie sans que personne ne le sache, pendant cinq lunaisons.

Les sauterelles tourmentent les hommes sans les tuer. « Et ils désireront mourir, et la mort fuira [loin] d’eux » (Ap 9, 6 FG). Ce tourment est celui du mensonge général. Revient à la mémoire l’oracle de Jérémie aux habitants qui avaient adoré le soleil et la lune (dans un culte idolâtrique qui convoque les puissances démoniaques) : « et la mort vaudra mieux que la vie pour tous ceux qui resteront de cette race perverse » (Jr 8, 3).

Le nom du Prince de l’Abîme

« Et il y a sur elles un Roi : / l’ange de l’Abîme,
Dont le nom en hébreu [est] Abadou : / et le nom en araméen : ‘Destructeur’ » (Ap 9, 11 FG modifiée).

Ce qui précède indique qu’il s’agit d’une destruction spirituelle. Le nom « Destructeur », en araméen « shāre » est le participe actif du verbe « shrā » dont le sens a de nombreuses nuances : « délier, dissoudre, liquéfier », ce qui suggère une destruction des liens sociaux, quand les gens n’ont plus de racines historiques ni familiales et ne ne savent même plus le sens des mots « mère, père, enfant », les individus sont alors manipulables dans une société devenue « liquide ». Ce verbe signifie aussi « décharger, rompre, violer, détruire », ce qui suggère une grande violence. Ce verbe signifie encore : « mettre un terme à, abolir, dirimer, ouvrir, libérer, relâcher », comme pour dire que la destruction se fait au moyen de mœurs « libertaires ». Le verbe signifie enfin « éloigner, renvoyer, répudier », ce qui s’entend ici comme la rupture de l’Alliance avec le Très Haut.

Transition : « Le premier « Malheur » a passé, voici encore deux « Malheurs » qui le suivent… » (Ap 9, 12)[10].

6e trompette (Ap 9, 13-21) : 2e malheur

Le châtiment surgi des quatre cornes de l’Autel

La scène commence auprès de « l’Autel d’or » déjà mentionné en Ap 8, 3 (Ouverture de ce fil) :

« Après ces [choses]-là, / le sixième ange claironna ;
et j’entendis une voix, / depuis les quatre cornes de l’Autel d’or qui [est] devant Dieu,
qui disait au sixième ange, / qui avait une trompette :
‘Délie les quatre anges / qui sont attachés sur le grand fleuve Euphrate !’ » (Ap 9, 13-14 FG modifiée).

« Après ces [choses]-là… » (Ap 9, 13). Il y a un enchaînement avec le malheur précédent. Un châtiment répond à la « chute de l’étoile »…

Les sauterelles de la 5e trompette ressemblaient à des « cavales prêtes à la guerre » (Ap 9, 7) et leur pouvoir de torturer les hommes se trouvait dans leurs queues (Ap 9, 10). À la 6e trompette, l’autorité des « cavales » réside « aussi dans leurs queues » (Ap 9, 19). Les similitudes avec la 5e trompette indiquent qu’il s’agit aussi d’un fléau démoniaque en rapport avec l’ange de l’Abîme, le destructeur. Mais alors que le fléau de la 5e trompette ne tuait pas les hommes, les « cavales » de la 6e trompette en tuent un tiers !

L’invasion belliqueuse des cavaliers de l’Euphrate

Dans les temps anciens, le 2e malheur aurait pu évoquer une invasion des Parthes et des Mèdes traversant l’Euphrate, si ce n’était le chiffre inouï de deux cent millions de « cavaliers ». De nos jours, on imaginerait une armée chinoise, et dans 10 ans on dira autre chose… Les quatre premières trompettes pouvaient évoquer la destruction de l’environnement (la terre, la mer, les eaux douces, l’air), et nous aurions avec ces « cavales » qui tuent « un tiers » des hommes une réponse humaine, celle du malthusianisme : réduire la population pour réduire la pollution.

[…]

Le sens matériel n’est pas évident, mais l’arrière-plan biblique des images choisies par Jean peut davantage nous éclairer.

Le fleuve Euphrate marque la limite de la Terre sainte dans la promesse à Abraham : « À ta postérité je donne ce pays, du Fleuve d’Égypte jusqu’au Grand Fleuve, le fleuve d’Euphrate » (Gn 15, 18). Les cavaliers qui franchissent d’Euphrate sont, tout comme l’Égypte ou le pharaon, les puissances ennemies du Dieu de l’Alliance. Dans la nouvelle Alliance, où Abraham et sa descendance « reçoivent le monde en héritage » (Rm 4, 13), il s’agit de puissances maléfiques.

Le grand fleuve Euphrate évoque aussi Babylone, Babel la grande, dont la suite de l’Apocalypse fera le symbole de l’iniquité mondiale en disant qu’elle est une demeure de démons (Ap 18, 2).

« ‘Délie [verbe « shrā »] les quatre anges » : ce verbe « shrā » se retrouvera en Ap 20, 3.7 quand à la fin des mille ans Satan devra être délié pour une ultime épreuve de l’humanité. Le nom « Destructeur » de Ap 9, 11 était le participe actif de ce verbe « shrā ».

« Et les quatre anges furent déliés, / ceux qui étaient préparés pour l’heure et pour le jour, et pour la lunaison et pour l’année, / afin qu’ils tuent le tiers des fils d’homme » (Ap 9, 15 FG).

Ces anges mauvais ont été préparés par les prières des hommes mauvais, qui ont aussi calculé l’heure exacte de leur attaque. Et le Créateur autorise leur action. Quand l’annonce de l’Évangile est déformée, le Jugement ne peut plus être fait par rapport au Christ, Dieu autorise alors la manifestation du mal pour que les hommes se positionnent vis-à-vis de l’Antichrist et que le Jugement puisse être opéré.

L’Euphrate qui est l’un des fleuves du jardin d’Eden (Gn 2, 14). Ces cavaliers proviennent donc de l’orient de l’Eden, c’est-à-dire, symboliquement, le pays de Caïn : car il est dit que « Caïn se retira de la présence de YHWH (du Seigneur) et séjourna au pays de Nod, à l’orient d’Eden » (Gn 4, 16). Quelques générations après, un de ses descendants, Tubal-Caïn « fut l’ancêtre de tous les forgerons » (Gn 4 ,17), de là l’image du feu et de la fumée qui accompagne ces cavaliers. Il y a le soufre, comme lorsque l’on dit de quelqu’un qu’il est « sulfureux ».

Jean insiste trois fois pour nous parler de « leur bouche [pūmhōn][11] » : ils tuent par « du feu, du soufre et de la fumée » qui sort de « leur bouche [pūmhōn] » (Ap 9, 17 et 18), et « l’autorité des cavales était dans leur bouche [pūmhōn], et aussi dans leurs queues » (Ap 9, 19).

La bouche est d’abord le lieu de la parole. On peut tuer « par la bouche », par exemple par une campagne médiatique induisant des comportements ineptes. C’est pourquoi la queue est ici associée à la bouche, car il est écrit : « L’ancien et le dignitaire, c’est la tête, le prophète qui enseigne le mensonge, c’est la queue » (Is 9, 14). Il s’agit des puissances démoniaques dont l’invasion a été appelée par les convocations magiques des hommes.

« Et le nombre des forces / et des cavaliers :
Deux myriades de myriades / – j’entendis leur nombre » (Ap 9, 16 FG)

Le mot « myriade » a pour racine « RB » qui signifie grandir, magnifier. L’expression « myriade de myriades [rebbū rebbwān] » est une expression rare qui ne se lit qu’en Ap 5, 11 pour décrire la multitude d’Anges rassemblés autour du trône de Dieu : « leur nombre était des myriades de myriades et des milliers de milliers ! » (Ap 5, 11), c’est-à-dire un « nombre indéfini » de myriades de myriades. En Ap 9, 16, les « forces » et les « cavaliers » sont donc aussi des anges. Ils ne sont « que » deux myriades de myriades et ils ne viennent pas des Cieux mais de l’au-delà de l’Euphrate : ce sont des anges maléfiques. Les saints sont épargnés, eux dont la prière est offerte à Dieu avec beaucoup de parfums sur son Autel d’or (Ap 8, 3). En un sens, la prière des saints, adressée au Créateur, va retourner contre les « magiciens » leurs invocations maléfiques : les démons qu’ils ont convoqués vont se retourner contre eux, et c’est bien de cela qu’il s’agit.

L’impénitence des hommes

Malheureusement, les hommes ne cessèrent pas d’adorer « les démons et les idoles d’or, et d’argent et d’airain et de bois et de pierre » (Ap 9, 20 FG). « Et ils ne se convertirent pas non plus de leurs meurtres, ni de leurs magies, ni de leur prostitution » (Ap 9, 21 FG).

7e trompette et annonce de la Parousie (Ap 10, 1 – 11, 19)

Ce grand ensemble de 28 versets est parfaitement soudé :

  • 1e partie (Ap 10, 1-10) : Le clairon du septième ange est annoncé : « Mais aux jours du septième ange, lorsqu’il aura à claironner, alors s’accomplira le Mystère de Dieu, celui qu’Il a annoncé à Ses serviteurs les prophètes » (10, 7 FG). Jean doit prendre un « petit écrit » et prophétiser.
  • 2e partie (Ap 11, 1-14) : la prophétie des deux témoins.
  • 3e partie (Ap 11, 15-19) : « Le septième Ange claironna […] Et ce furent des voix énormes dans les Cieux, qui disaient : « C’est le règne du siècle et de notre Dieu et de son Messie, et Il règne pour le siècle des siècles » », accomplissant donc le « Mystère de Dieu » (Ap 11, 15 FG).

1e partie : Le petit écrit (Ap 10, 1-11)

Cette première partie est elle-même structurée avec une inclusion :

  • A) Un ange puissant tient un petit écrit ouvert (Ap 10, 1-3)
  • B) Les sept tonnerres parlent, mais Jean ne doit pas écrire (Ap 10, 4).
  • A’) Jean doit prendre et manger le petit écrit ouvert avec ordre de prophétiser (Ap 10, 5-11).

A) Ap 10, 1-3

Le « petit écrit » est donné (Ap 10, 8) à Jean par un ange très particulier. Il est « enveloppé de la nuée » et sur sa tête est « l’arc des cieux » […] Il pose « son pied de droite sur la mer, [celui] de gauche, donc, sur la terre » (Ap 10, 1-2 FG). Ces détails rappellent l’Alliance de Dieu avec Noé : « Quand l’arc sera dans la nuée, je le verrai et me souviendrai de l’alliance éternelle qu’il y a entre Dieu et tous les êtres vivants, en somme toute chair qui est sur la terre » (Gn 9, 16). Ces détails signifient donc qu’il ne s’agit pas pour Dieu de ravager et de détruire la terre, mais bien de l’amener à accomplir l’Alliance avec son Créateur.

Cet ange est décrit comme étant « puissant », tout comme l’ange puissant qui avait demandé qu’intervienne celui qui est digne d’ouvrir l’Écrit scellé (Ap 5, 2), ce qui suggère que le petit livre ait une parenté avec l’Écrit scellé.

L’ange rugit comme un lion, et « sept tonnerres parlèrent de toute leur voix » (Ap 10, 3 FG)

B) Ap 10, 4

« Et, lorsqu’eurent parlé les sept tonnerres, / je m’étais apprêté à écrire.
Et j’entendis une voix, depuis les septièmes Cieux, / qui dit :
« Scelle ce dont ont parlé les sept tonnerres / et ne l’écris pas ! » » (Ap 10, 4 FG).

Au prophète Daniel, il avait été dit : « garde silence sur la vision, car il doit s’écouler bien des jours » (Dn 8, 26). Pour comprendre Ap 10, 4, il faut se référer à cet épisode de la vie de Daniel. Daniel eut une vision : « Le bouc devint très puissant ; mais lorsqu’il fut puissant, sa grande corne se brisa. Quatre grandes cornes s’élevèrent pour la remplacer, aux quatre vents des cieux » (Dn 8, 8). En effet, à l’âge de 33 ans, Alexandre le Grand fut terrassé par les fièvres. Alors ses quatre généraux se partagèrent son immense empire. Puis Daniel explique que du bouc sortit une corne qui grandit en direction « du Pays de la Splendeur » (Israël). Cette corne « abolit le sacrifice perpétuel et renversa le fondement de son sanctuaire et l’armée ; sur le sacrifice elle posa l’iniquité et renversa à terre la vérité » (Dn 8, 11-12). Effectivement, Antiochus Épiphane, roi de Syrie, fit cesser le sacrifice perpétuel offert à Jérusalem, il ordonna même qu’on offre une truie (animal impur selon la loi) dans le Temple, sur l’autel des holocaustes. Il supprima les deux sacrifices quotidiens (celui du soir et celui du matin) pendant 1150 jours, soit 2300 soirs et matins, ou environ trois ans, de l’an 167 à l’an 165. « J’entendis un saint qui parlait, et un autre saint dit à celui qui parlait : « Jusques à quand la vision : le sacrifice perpétuel, désolation de l’iniquité, sanctuaire et légion foulés aux pieds ? » Il lui dit : « Encore 2300 soirs et matins, alors le sanctuaire sera revendiqué » » (Dn 8, 13-14). Finalement, à la tête d’une armée juive, Judas Maccabée libéra le Temple en l’an -165. Les générations suivantes commémorèrent cette victoire en célébrant la fête de la Dédicace. Cependant, cette vision ne doit pas être dite : « Elle est vraie, la vision des soirs et des matins qui a été dite, mais, toi, garde silence sur la vision, car il doit s’écouler bien des jours » (Dn 8, 26).

Ainsi donc, Jean veut nous dire que la vision qu’il ne doit pas écrire est analogue à cette vision de « l’abomination du dévastateur ». Pour le dire autrement, ce que le peuple juif a vécu au temps d’Antiochus Épiphane constitue une prophétie des temps eschatologiques : les chrétiens des derniers temps vivront une profanation du sanctuaire, une résistance, et une nouvelle dédicace.

A’) Ap 10, 5-11.

L’ange fait serment, en levant la main : « de temps, il n’y en a plus » (Ap 10, 6 FG). Ce qui signifie que nous sommes dans la dernière période.

« Mais aux jours du septième ange, lorsqu’il aura à claironner, alors s’accomplira le Mystère de Dieu, celui qu’Il a annoncé à Ses serviteurs les prophètes » (10, 7 FG).

Ce verset signifie que l’histoire a un sens et que Dieu la conduit, il lui a donné un commencement et la mène vers une fin.

Comme jadis Ézéchiel (Ez 2, 8 – 3, 3), Jean doit manger un petit écrit. Il est doux et amer.

Jean éprouvera pour lui-même la douceur et l’amertume inhérente à la mission de prophète. Le message lui-même contient à la fois une parole de grâce et de condamnation. Jean doit avaler le petit livre, et, entend-il :

« Il t’est donné, encore, / du temps pour prophétiser,
sur des peuples et des nations, / et des langues et des rois nombreux » (Ap 10, 11 FG).

Un ange puissant avait demandé que l’Écrit scellé soit ouvert par l’Agneau, Jésus, dont la venue glorieuse accomplira toutes les prophéties. Un ange puissant présente à Jean un petit livre ouvert pour qu’il prophétise, c’est la part que les hommes doivent assumer. La révélation ne s’obtient pas par des techniques de voyance, elle se reçoit tout simplement à la manière d’un petit livre, mais ce don est une responsabilité.

La sonnerie de la 7e trompette et « l’accomplissement du mystère de Dieu » attendront que les chrétiens aient pu accomplir leur mission prophétique.

Le chrétien va devoir affirmer la prophétie devant « des rois nombreux » : le pouvoir politique sera concerné. En effet, si la venue glorieuse du Christ n’est pas annoncée, les rois vont vouloir imposer leur vision d’un monde idéal, et pour l’imposer ils vont s’arroger le pouvoir divin de juger et d’anéantir les réfractaires, c’est ce que l’on appelle un messianisme politique. Le chrétien ne se contente pas de dénoncer des « dystopies », c’est-à-dire des utopies qui tournent au cauchemar. Le chrétien doit proclamer la venue glorieuse du Christ afin que cette véritable espérance pour le monde protège le monde des diverses tentations messianistes qui sont toujours source de manipulation et de violence.

2e partie : Les deux témoins (Ap 11, 1-14)

Jean avait évoqué la profanation du sanctuaire qui ne devait pas être écrite (cf. Ap 10, 4 et l’explication supra), et nous sommes ici sur le même registre du sanctuaire : « Puis il me fut donné un roseau, de la ressemblance d’une verge, et l’ange se tenait debout et disait : « Tiens-toi debout et mesure le Temple de Dieu, et l’Autel et ceux qui s’y prosternent ! »» (Ap 11, 1 FG)[12].

Il s’agit d’un acte symbolique. Jadis Ézéchiel en exil eut la vision d’un homme qui tenait une canne à mesurer et prenait les mesures du Temple (Ez 40, 3). Ézéchiel devait observer et répéter les mesures au peuple d’Israël « afin qu’ils rougissent de leurs abominations » (Ez 43, 10). En reprenant la vision d’Ézéchiel, Jean doit dénoncer ainsi le péché, et parle « contre » les peuples, comme cela avait été annoncé (Ap 10, 10). Il s’agit d’abord du péché des grands prêtres qui avaient demandé la crucifixion de Jésus, il s’agit ensuite du péché des chrétiens parce que le Temple, dans le christianisme primitif, est l’image de l’Église (cf. 1Co 3, 16 ; 2Co 6, 16 ; Ep 2, 21 ; 1P 2, 5).

Notons qu’à l’époque où Ézéchiel eut cette vision, le Temple de Jérusalem (le premier Temple) avait déjà été détruit et Ézéchiel annonçait la venue glorieuse du Seigneur dans son futur Temple. Dans l’Apocalypse, la vision du Temple n’est pas une vision matérielle, et ceux qui se prosternent dans le Temple sont les chrétiens qui adorent le Père en Esprit et en vérité (Jn 4, 23s).

Quant aux païens, « ils fouleront la Cité sainte quarante-deux lunaisons » (Ap 11, 2). La durée « 1260 » jours ou « 42 mois lunaires » fait allusion à la période où les justes sont opprimés par un pouvoir impie dans le livre de Daniel (Dn 7, 25) : il doit arriver que l’Église affronte et subisse la loi du monde païen.

« Et je donnerai à mes deux témoins de prophétiser 1260 jours, enveloppés de sacs » (Ap 11, 3 FG). Les « sacs » sont des vêtements de toile pour la pénitence.

  1. Les deux témoins représentent le témoignage de l’Église. Ils prophétisent, répondant à la vocation exprimée en Ap 10, 11. En ce sens, les deux témoins sont tous les chrétiens qui témoignent dangereusement à la face du monde et qui sont dans la présence immédiate de Dieu qui les inspire. Les deux témoins peuvent produire de grands signes, conformément à la parole de Jésus : « Si vous demeurez en Moi, et mes paroles demeurent en vous, tout ce que vous désirez demander, [cela] sera pour vous. » (Jn 15, 7 FG)
  2. Les deux témoins sont apparentés aux deux figures de grand-prêtre et de chef séculier, et ils sont inspirés de Dieu. En effet, Jean donne aussi cette précision : « Ce sont les deux oliviers et les deux luminaires qui sont debout devant le Seigneur de toute la terre » (Ap 11, 4 FG) : l’image évoque le grand-prêtre Josué et le chef séculier Zorobabel de la vision de Zacharie (Za 4, 1-14).
  3. Les deux témoins ressemblent aussi à Élie. En effet, « Quiconque cherche à leur nuire, un feu sort de leur bouche et dévore leur ennemis » (Ap 11, 5 FG). Ce fut aussi le cas pour Élie car le feu du ciel descendit par deux fois sur les soldats envoyés l’arrêter (2R 1, 10ss) de sorte que l’on puisse dire aussi que sa parole brûlait comme une torche (Si 48, 1). De plus, les deux témoins ont l’autorité de fermer les cieux « afin que la pluie ne descende pas aux jours de leur prophétie » (Ap 11, 6 FG). Ce fut aussi le cas pour Élie (1R 17) et Jésus précise qu’alors « le ciel fut fermé pour trois ans et six mois » (Lc 4, 25), ce qui fait le lien avec le livre de Daniel (qui compte sans préciser l’unité de temps – jours, mois, ou année) : « pour un temps, deux temps, et la moitié d’un temps » (Dn 7, 25), c’est-à-dire la période où les justes sont opprimés par un pouvoir impie. Justement, les deux témoins témoignent « 1260 jours » : trois ans et demi (Ap 11, 3). C’est un classique de l’apocalyptique d’attendre le retour d’Énoch et Élie ; cependant, le « retour » d’Élie, annoncé par le prophète Malachie (Ml 3, 23) a déjà eu lieu sous la forme du ministère de Jean le Baptiste comme l’a dit Jésus lui-même (Mc 9, 13) [13].
  4. Les deux témoins ressemblent enfin à Moïse. En effet, ils ont l’autorité de changer « les eaux en sang » (Ap 11, 6), comme le fit jadis Moïse pour faire plier Pharaon. D’ailleurs, les magiciens d’Égypte avec leurs sortilèges en firent autant (Ex 7, 20-22) comme encore pour la 2e et la 3e plaie d’Égypte, mais non pour les suivantes. Les deux témoins peuvent aussi frapper « la terre de toute [sorte] de fléaux, autant qu’ils veulent » (Ap 11, 6), ce qu’il faut bien sûr interpréter sur le même arrière-plan biblique : il s’agit de « sortir d’Égypte », du lieu de l’esclavage !

Ce qui est remarquable, c’est que la 7e trompette attende la fin de leur mission. En effet, le septième ange ne claironne pas tant que l’Église n’a pas eu le temps de répondre à sa vocation d’être le témoin de Jésus et d’annoncer sa Venue dans la gloire. Dieu assure les chrétiens menacés qu’il veille à ce que leur témoignage s’accomplisse. Ils ne seront tués que « lorsqu’ils auront accompli leur témoignage » (Ap 11, 7), auparavant, c’est le contraire : « Celui qui veut leur nuire, c’est ainsi qui lui est donné d’être tué » (Ap 11, 5 FG).

À la fin de leur témoignage, « la bête qui monte de la mer » les tuera (Ap 11, 7). Cette « bête » représente en Dn 7, 2-7 un empire plus effrayant que les précédents. Le mot « ḥayūṯ » que nous traduisons par « bête », dérive du verbe vivre « ḥyā » ; on devrait dire « l’animal » qui comporte la notion d’animé, donc de vivant. L’empire de la bête a une caractéristique bestiale, « animale ».

Par ailleurs, nous pouvons observer que l’apparition de ce monde bestial advient après la transgression de la 6e trompette. Quand l’homme ne distingue plus la créature et le créateur, l’intérieur et l’extérieur, l’intimité personnelle et le pouvoir de la collectivité, il devient un animal. Le texte araméen est plein d’ironie : la bête « ḥayūṯā », qui qui devrait être porteuse de vie, tue les témoins du Dieu vivant.

Mort et Ascension des deux témoins.

Outrage ultime, ils n’auront pas de sépulture, « leurs cadavres [seront] sur les marchés de la grande Cité, laquelle est appelée spirituellement Sodome et Égypte, là où le Seigneur a été crucifié » (Ap 11, 8 FG). Dans l’Apocalypse, « la grande Cité », c’est toujours « Babel la grande » (Ap 16, 19 ; 17, 18 ; 18, 10), or Jérusalem, « où le Seigneur a été crucifié » s’identifie aussi à elle. Autrement dit, les chrétiens sont envoyés dans le monde (Babel la grande), et ils ne peuvent s’attendre à y être mieux traités que leur Maître à Jérusalem (Jn 15, 20).

Leurs cadavres restent ainsi sans sépulture pendant « trois jours et demi ». Cette durée correspond à la dernière étape du plan de Dieu : « et le temps d’une demi-semaine[14] il fera cesser le sacrifice et l’oblation, et sur l’aile du Temple sera l’abomination de la désolation jusqu’à la fin, jusqu’au terme assigné pour le désolateur » (Dn 9, 25). Finalement,

« Ils montèrent aux Cieux, dans la nuée, / et leurs ennemis les observaient.
Et, en cette heure-là, / ce fut une secousse immense !
Et un dixième de la Cité tomba, / et furent tués, par la secousse, sept mille noms de gars !
Et le groupe [restant] était dans la crainte, / et ils donnèrent gloire au Dieu qui [est] dans les Cieux ! » (Ap 11, 12-13 FG)

Les témoins participent au destin de Jésus. Cependant, alors que l’ascension de Jésus n’avait été contemplée que par ses disciples, l’ascension glorieuse des ultimes témoins sera contemplée aussi par leurs ennemis. Les manifestations de certains saints (apparitions, exsudation d’huile sur leurs tombeaux ou leurs images, etc.) peuvent préfigurer l’accomplissement de cette prophétie qui reste cependant mystérieuse.

Cette 2e partie s’achève par une transition : « Le deuxième « Malheur » a passé, voici que le troisième accourt ! » (Ap 11, 14). Au « premier malheur » les sauterelles-scorpions ressemblaient à des cavales (Ap 9, 7 – 5e trompette), le « deuxième malheur » était les cavaliers traversant l’Euphrate (Ap 9, 14 – 6e trompette). Le troisième malheur arrive, quel est-il ?

3e partie : La sonnerie de la 7e trompette (Ap 11, 15-19)

La sonnerie annoncée dans la 1ère partie de cette longue perle s’accomplit enfin :

« Le septième Ange claironna
Et ce furent des voix énormes dans les Cieux, / qui disaient :
‘C’est le règne du siècle et de notre Dieu et de son Messie, / et Il règne pour le siècle des siècles’ » (Ap 11, 15 FG).

Prise dans son ensemble, la symbolique des 7 trompettes évoque la chute de Jéricho : chaque jour pendant 7 jours, les prêtres ont fait le tour de Jéricho en sonnant de la trompe, le 7e jour, ils firent 7 fois le tour et disent au peuple de pousser le cri de guerre. Alors les murailles de Jéricho tombèrent (Jos 6). Dans l’Apocalypse, ce qui doit tomber, c’est beaucoup plus que Jéricho ou même que le 1/10e de la grande Cité, ce qui doit tomber c’est toute l’emprise du Mal sur le monde de sorte que puisse advenir le règne du Messie.

Ce n’est « un malheur » que pour ceux qui ont corrompu la terre :

« Et les peuples se sont irrités, / et sont venus Ton ire et le temps afin que les morts soient jugés
Et que Tu remettes le salaire à Tes serviteurs les prophètes / et à Tes saints, et à ceux qui craignent Ton Nom,
Aux petits / avec les grands,
Et que se corrompent / ceux qui ont corrompu la Terre » (Ap 11, 18 FG).

Quant à ceux qui « craignent le nom de Dieu », ils participent à l’accomplissement du but de la création et de la noblesse pour laquelle l’humanité a été créée : « le règne du siècle et de notre Dieu et de son Messie » (Ap 11, 15 FG), c’est-à-dire la Parousie.

« Et s’ouvrit le Temple dans les Cieux, / et se fit voir l’Arche de l’Alliance qui [est] Sienne dans le Temple,
et ce furent des éclairs et des tonnerres et des voix / et un séisme et une immense grêle ! » (Ap 11, 19 FG).

L’Arche de l’Alliance est le lieu où le Seigneur parlait à Moïse (Ex 25, 17-22), et c’est en touchant le propitiatoire de l’Arche d’Alliance que le sang du sacrifice obtenait le pardon du peuple, une fois par an (Lv 16), une miséricorde qui sera bien nécessaire après les transgressions et les abominations des derniers temps (5e , 6e , 7e trompettes).

Dans l’Arche de l’Alliance « se trouvaient une urne d’or contenant la manne, le rameau d’Aaron qui avait poussé, et les tables de l’Alliance » (He 9, 3).

La manne fut la nourriture des Hébreux pendant 40 ans au désert. Le fléau de la 1ère trompette est justement une désertification du tiers de la terre. Dans ce désert-là, quelle est la manne ? La manne est un pain donné par Dieu, et le mot « manne » est une question : « qu’est-ce que c’est ? » L’homme doit se nourrir de questions et les questions les plus profondes qu’il faut se poser sont : d’où procède ma vie ? Quel est l’accomplissement du but pour lequel j’ai été créé ?

Dans l’Arche de l’Alliance se trouvait aussi le rameau d’Aaron[15] ; il rappelle l’institution du grand sacerdoce. Ce rappel est très utile après l’apostasie d’un chef de l’Église symbolisée par la chute d’une étoile dans la 5e trompette.

Quant aux tables de l’Alliance contenues dans l’Arche, elles étaient écrites par Dieu – « J’écrirai sur les tables les paroles qui étaient sur les premières que tu as brisées » (Ex 34, 1) – et par Moïse « Et Moïse […] écrivit sur les tables les paroles de l’Alliance » (Ex 34, 29). Ce qui en soi bien mystérieux ! « Tout le peuple, au milieu duquel tu es, verra l’œuvre terrible de YHWH que moi je fais avec toi » (Ex 34, 10). Cette œuvre terrible est l’histoire d’Alliance. Elle s’accomplira à la Parousie qui sera « le Règne du siècle de notre Dieu et de Son Messie » (Ap 11, 15 FG).

Cohérence d’ensemble du fil des sept trompettes

Le salut du monde va s’opérer à travers un déluge de feu qui est aussi lumière. Le « feu » (racine « Nūr ») vient de l’Autel céleste (Ap 8, 5) et consume le 1/3 de la Terre (Ap 8, 7 – 1ère trompette). Les deux témoins sont des flambeaux (racine « Nūr ») qui dérangent le monde entier (Ap 11, 4 – 7e trompette). Le fil des 7 trompettes nous parle ainsi d’un feu qui, par sa lumière, opère un premier jugement, préalable du jugement ultime qui accomplira le Salut sur la terre, lors de la venue glorieuse du Christ (qui sera l’objet de la suite de l’Apocalypse).

Mais il y a un combat spirituel. Les fondements extérieurs vacillent (la terre, la mer, les eaux, les astres) parce que vacillent les fondements intérieurs, les fondements moraux et religieux. De fait, l’obscurcissement de la lumière (4e trompette) est un signe pour ce qui suit : « une grande étoile » tombe des cieux et ouvre les puits de l’abîme (5e trompette), c’est l’apostasie, suivie de l’invasion des démons, des transgressions, de la corruption, et de la bête (5e, 6e et 7e trompettes).

Les « bouches » (Ap 9, 17-19) des chevaux de la 6e trompette répandent la mort, mais la « bouche » (Ap 10, 9.10) de Jean reçoit la Parole révélée (7e trompette). L’histoire n’est pas entre les mains de puissances obscures, du hasard ou des seuls choix humains : sur tant de fléaux et de maux, s’élève le Seigneur « qui détient tout » (Ap 11, 16), c’est lui l’arbitre suprême du cours de l’histoire qui conduit le peuple purifié au « règne » du Messie (Ap 11, 15), c’est-à-dire à la récompense de la Parousie puis de l’éternité.

Les 7 trompettes et Ap 12, 13-17 (noyau)

Les fléaux des 7 trompettes rappellent ceux du livre de l’Exode.

La grêle et le feu (1ère trompette) rappellent la septième plaie d’Égypte (Ex 9, 24-25). La mer devient du sang (2e trompette), comme l’eau du Nil devint du sang et que les poissons moururent (Ex 7, 20-21). Deux témoins ont aussi l’autorité de changer « les eaux en sang » (Ap 11, 6 – 7e trompette), comme le fit jadis Moïse pour faire plier Pharaon (le « dragon du Nil »).

Ces références à la sortie d’Égypte se prolongent dans la 3e partie du noyau (Ap 12, 13-17) avec l’image de la femme au désert, poursuivie par le dragon (Ap 12, 13) tout comme le peuple hébreu fut poursuivi par Pharaon (Ex 14, 9). Alors que les eaux amères donnent la mort à un nombre indéfini de personnes (Ap 8, 11 – 3e trompette), et qu’ensuite un tiers des hommes est tué (Ap 9, 18 – 6e trompette), le Seigneur cache, protège et nourrit son peuple qui trouve littéralement « un refuge » au désert (Ap 12, 14 – 3e partie du noyau). Il est même précisé que « la femme » est conduite au désert « par les ailes de l’aigle » (Ap 12, 14). Cette image vient du livre du Deutéronome (Dt 28, 11) qui raconte que le peuple hébreu a traversé le désert, guidé par la colonne de nuée et de feu, une nuée qui le dérobe à la vue des ennemis pendant le jour et un feu qui le guide pendant la nuit (Ex 13, 21-22).

Le fil des sept trompettes a aussi délivré un message concernant l’Église.

La chute de la grande étoile (5e trompette) reprend l’image du prophète Daniel (Dn 8, 10-14) quand Antiochus Épiphane, « le bouc », fit « tomber les étoiles », prélude de l’abomination de la désolation et de la profanation du sanctuaire. La 5e trompette désignerait ainsi l’apostasie d’un chef religieux qu’il faut mettre en lien avec la « fumée » et « la queue » des sauterelles-scorpions. Il est écrit en effet : « le prophète qui enseigne le mensonge, c’est la queue » (Is 9, 14). La 6e trompette évoque un laxisme et une transgression non spécifiques à l’Église, avec encore des mensonges symbolisés à nouveau par « la queue » : « l’autorité des cavales était dans leur bouche, et aussi dans leurs queues » (Ap 9, 19). La 7e trompette évoque une corruption dans le Sanctuaire. « La bête qui surgit de l’Abîme » tue les deux témoins (Ap 11, 7 – 7e trompette). Les trois dernières trompettes décrivent donc une éclipse de l’Église.

La 3e partie du noyau résume cette éclipse de l’Église en disant que la femme (l’Église) est « au désert » (Ap 12, 14). Or le noyau donne aussi une clé qui indique l’espérance. Il est écrit : « le serpent lança, de sa bouche [pūmā], derrière la femme, des eaux, comme un fleuve, afin que les eaux fissent qu’elle soit emportée » (Ap 12, 15 FG), c’est-à-dire que Satan menace l’Église d’un fleuve de mensonge. Puis « la Terre ouvrit sa bouche, et elle engloutit ce fleuve, que le serpent avait lancé de sa bouche » (Ap 12, 16 FG) : cette formulation évoque très précisément le châtiment de l’usurpation du sacerdoce (Nb 16, 30-32). Il nous est donc donné à comprendre que le mensonge (donc l’usurpation) évoqué par les dernières trompettes sera « engloutit ». Il se heurtera à la réalité représentée par « la Terre ».

Nous pouvons relire les événements décrits par l’Apocalypse d’une manière plus positive. Avertie par les fléaux des sept trompettes, l’Église trouve refuge au désert. Elle va ressortir au moment de la venue glorieuse du Christ, mais avant cette heureuse issue, le dragon part faire la guerre contre la descendance de la femme « ceux qui gardent les commandements de Dieu et auprès de qui il y a le témoignage de Jésus » (Ap 12, 17 FG) : ceux-là sont les médiateurs de ce feu-lumière (« Nūr ») dont nous avons parlé : feu d’amour et lumière de vérité. »

____________________________
[1] Passif divin : c’est Dieu qui donne.

[2] Une tradition juive leur donne un nom : « Uriel, Raphaël, Raguel, Michaël, Saraqiel, Gabriel, Remeiel » (Livre d’Hénoch § 20).

[3] Saint IRÉNÉE, Contre les hérésies 4, 30, 4.

[4] Françoise BREYNAERT, La bonne nouvelle aux défunts, nouveau paradigme de la théologie des religions, Via romana, Versailles, 2014 (Préface Mgr Minnerath).

[5] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I-IIa Qu.106 a.1 ad tertium.

[6] Conseil Pontifical pour le Dialogue Inter-religieux, et la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, Dialogue et annonce, 19 mai 1991 (n° 29).

[7] 4 Esdras 11, 1 ; 12, 11

[8] Cf. Seale J., « Crossing the species barrier-viruses and the origins of Aids in perspective », Journal of the Royal Society of Medicine, t. 82, p. 519-523.

[9] Flavius JOSÈPHE, Les antiquités juives, livre III, § 172-178 ; traduction E. Nodet, Le Cerf, Paris 2003.

[10] F. GUIGAIN traduit le mot « Malheur » par « Hélas » parce que l’expression n’est pas ici un substantif mais une interjection, ce qui n’a rien d’exceptionnel, cf. Prov. 23, 29 ; Ez 7, 26.

[11] Pūmhōn (vocalisation orientale) / pūmhūn (vocalisation occidentale)

[12] La mention du Temple (Ap 11, 1-2) peut-elle être un argument de datation avant l’an 70 ? Il semble que non. En effet, Jean se réfère ici à la vision qu’Ézéchiel eut en exil (Ez 40, 3) et à l’époque où Ézéchiel eut cette vision, le Temple de Jérusalem (le premier Temple) avait été détruit par Nabuchodonosor, roi de Babylone.

[13] Hénoch est un prince qui annonça le déluge. Son retour est annoncé dans un livre extrabiblique (1Enoch III, 23 et XC, 31). Quant à Élie, c’est la Bible qui en parle : « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que n’arrive le Jour de YHWH (le Seigneur), grand et redoutable » (Ml 3, 23). Cependant, Jésus a montré que cette prophétie était déjà accomplie lorsqu’il a dit au sujet de Jean-Baptiste : « Mais je vous le dis : Élie est bien déjà venu et ils l’ont traité à leur guise, comme il est écrit de lui » (Mc 9, 13). Il ne s’agissait pas d’une réincarnation mais du caractère d’Élie.

[14] Daniel ne donne jamais l’unité de temps. Semaine de jours : trois jours et demi. Semaine d’années : trois ans et demi.

[15] Pour éviter que les Hébreux ne se querellent, Dieu inspira à Moïse de faire apporter à chaque famille un rameau. « L’homme dont le rameau bourgeonnera sera celui que je choisis ». Le lendemain, sur le rameau d’Aaron, « des bourgeons avaient éclos, des fleurs s’étaient épanouies et des amandes avaient mûri » (Nb 17, 23).

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.