Parution: un témoin du génocide de 1915

Vient de paraître la traduction du long témoignage de Isaac Armalet (1879-1954) paru en 1919 au Liban en arabe sous le titre de Al Kousara Fi Nakabat Al Nasara.
Grâce à son arrière-petit-neveu Jean Armalet, traducteur et préfacier, ce témoignage de première main est disponible aujourd’hui enfin, alors que les instances turques continuent de nier le génocide visant le tiers de la population de la Turquie d’alors, et culminant dans les années 1915-1916 mais s’étendant en réalité de la fin du 19e siècle aux années 1920. On l’a appelé habituellement le « génocide arménien », du nom de la plus importante communauté visée, mais il s’agit plus exactement d’un « génocide chrétien », toutes les communautés étant incluses dans le plan d’extermination pensé et mis en œuvre par l’Etat turc – comme Isaac Armalet a pu le constater de ses propres yeux :

Les calamités imposées aux chrétiens,  par un témoin oculaire – Recueil des événements malveillants, injustices, kidnappings, déportation, massacres, exode, injures et autres actes hideux survenus en Mésopotamie, principalement à Mardin, en 1895 – 1914 – 1919 (avec des cartes inédites), L’Harmattan, Paris, 2017 (431 pages).

On peut lire ici les 43 premières pages de ce document exceptionnel qui recoupe ceux qui, parus ces dernières années, attestent la responsabilité directe du gouvernement turc, notamment sur la base de documents officiels.

Isaac Armalet, ordonné prêtre en 1904, est nommé enseignant au couvent St Ephrem à Mardin[e] en 1912 [cetre ville se situe das l’actuelle Turquie, juste au nord de la frontière syrienne]. Il a assisté aux massacres de 1915, a été emprisonné mais a survécu. Il tient un journal des événements qu’il suit depuis le couvent. C’est du toit de ce couvent qu’il assiste au départ du premier convoi de martyrs chrétiens en mai 1915. Il s’installe au Liban en 1918 et écrit le livre relatant les calamités des chrétiens. Homme de lettres, il est l’auteur de 52 livres couvrant principalement l’histoire de la communauté syriaque. Le fonds Isaac Armalet est l’un des deux plus importants du couvent de Charfet, alors siège patriarcal des syriaques catholiques.

Ce livre reprend les massacres de 1895 et ceux de 1915. Il est l’un des rares recueils à présenter en détail les massacres et les souffrances des communautés chrétiennes araméennes (syriaques catholiques, syriaques orthodoxes, chaldéens, latins, protestants) et des arméniens catholiques de la Mésopotamie. Il témoigne aussi du passage par cette région des convois chrétiens venant de plus loin en Turquie, les attaques kurdes et tcherkesses, les rapts, les massacres…

Isaac Armalet nous fait vivre les événements avec les noms des responsables, leur corruption, la haine du chrétien, à partir de la vie de tous les jours des populations dans les quartiers, les commerces, les souks, les églises et les croyances. Le livre se termine en 1919. Isaac Armalet croyait, avec les chrétiens, la guerre terminée, la paix revenue. Ils se préparent au retour à la terre ancestrale comme à chaque flambée de violence des musulmans. Ce ne sera pas le cas, les traités de Sèvres (1920) et de Lausanne (1923) organiseront la déportation et le massacre des chrétiens restés en Turquie.

Edouard M. Gallez

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One thought on “Parution: un témoin du génocide de 1915

  • 6 juin 2017 at 15 h 03 min
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    Ça a l’air fort intéressant. Dommage qu’il soit cher (pour 431 pages, certes).

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