L’évangile de Luc traduit exclusivement de l’araméen
La Récitation Orale de la Nouvelle Alliance selon Saint Luc
_____La tradition orientale rapporte que saint Luc, diplômé en médecine et en droit, vint d’Antioche à Jérusalem après avoir entendu parler des guérisons miraculeuses de Jésus, et s’instruisit de la Bonne Nouvelle auprès de la première génération des convertis de la Pentecôte. Son bilinguisme, autant maternel qu’acquis par culture, l’associa rapidement aux entreprises d’évangélisation en milieu hellénistique levantin, en collaborant notamment aux missions de fondation du diacre saint Étienne, puis de l’Apôtre saint André et enfin du rabbi des Nations saint Paul. Ayant hérité de son district d’apostolat en Grèce, c’est à Thèbes qu’il rendit témoignage sous Vespasien.
____En outre, du fait de ses compétences professionnelles comme de son engagement parmi les diacres hellénistes, il fut particulièrement dans la proximité du cercle des femmes de la génération apostolique. Aussi recueillit-il, dans le lectionnaire synagogal qu’il composa à l’adresse de la diaspora occidentale éloignée de la communauté d’origine, la tradition orale spécifique des Soixante-Dix disciples du Seigneur ainsi que celle des saintes femmes qui l’accompagnaient depuis la Galilée, pour servir de complément à la récitation typique du saint Évangile par les Douze, déjà mise par écrit en araméen par saint Matthieu.
____Ce patrimoine, lui-même en araméen, avait été élaboré par les témoins oculaires selon les strictes règles de l’oralité, puis déjà intégré à la récitation des Douze en un vaste ensemble didactique par saint Paul. C’est pourquoi l’évangéliaire de saint Luc ne dénote pas tant un écrivain hellénistique cultivé, mais un traditionnaire scrupuleux de ses sources orales, où le décompte et le bilatéralisme répondent rigoureusement à la chaîne et à la trame du tissage mnémotechnique des récitatifs.
_____Que cette nouvelle traduction, faite à partir de la Version Stricte (Peshitta) de l’Église d’Orient et de sa nomenclature rythmique, serve ainsi à sa redécouverte par le public français.
Auteur: Frédéric Guigain
- Prêtre maronite, ce spécialiste des traditions orales syro-araméennes et des textes qui y sont liés est l’auteur des tomes d’Exégèse d’oralité et de la traduction des évangiles synoptiques faite sur l’araméen en fonction des structures orales (La récitation orale de la Nouvelle Alliance, Mt-Mc-Lc, éditions Cariscript, 2012-2013).
Editions Cariscript
Prix: 29 € (port compris), 310 pages
Paru avril 2013
A t-on traduit le terme Juif de l’Araméen ?
Merci
Dans l’Ancien Testament, on trouve surtout l’appellation de « hébreux », mais « Yehûd » s’y lit quand même en Zacharie 8.23, de nombreuses fois dans le livre d’Esther, deux fois dans le livre de Daniel, sept fois dans celui de Esdras, huit fois dans celui de Néhémie, une fois en Tobie et de très nombreuses fois encore dans les livres des Macchabées. À l’origine, le terme désigne un habitant de la Judée mais il a pris rapidement un sens large (en Tb 11,18, il est question des « juifs de Ninive »), qui s’apparente à celui de « hébreux ».
Il n’y a pas d’influence propre à l’araméen dans ce domaine, sauf peut-être quant à l’élargissement du sens du terme, mais ceci reste à préciser.
Bonjour
Faut-il en déduire que les récits de l’enfance de « Jésus » sont authentiques et historiques,, i-e que les faits se sont réellement déroulés ainsi qu’il est écrit et que les propos tenus sont incontestables grâce à l’oralité ?
Question subsidiaire : comment se prononçait le nom de Jésus en araméen si c’est celui qui fut le plus souvent utilisé durant sa vie ?
Merci beaucoup
Bonjour Thomas
Ce que l’on peut déduire, c’est que les récits de l’enfance sont structurés et présentés exactement selon les règles de présentation des témoignages auxquels les soumettent les stricts canons de composition de l’oralité araméenne. Ces mêmes canons étaient garants d’exactitude et d’authenticité (cf. https://youtu.be/w-qRJ5FLrbA?t=26m3s).
Le P. Guigain avait établi précédemment dans Exégèse d’oralité que St Luc présentait 3 témoignages distincts, celui de Marie, celui de Zacharie et Elisabeth, et celui de Joseph. Ils obéissent chacun à des règles de composition complexes et, de ce fait, ne peuvent avoir été des ajouts tardifs.
Dans sa traduction de la Peshitta, Les évangiles dans la langue de Jésus, Patrick Calame a pris le parti de rendre tous les noms propres dans la phonétique araméenne. Le nom de Jésus est rendu ainsi en phonétique par Yéchou’, issu de l’hébreu Yéchoua’. Matthieu est Mattaï, Marc est Marqos, Luc est Louqa, Jean est You’hanân, Simon est Chém’oun, André est Andréos, etc.
Le texte araméen et sa traduction permettent-ils de répondre aux deux questions suivantes :
1. Saint Luc fait-il allusion à deux mandats de Quirinus de gouverneur de syrie ? Quirinus aurait procédé à un recensement en l’an VI après Jésus-Christ (Actes 5, 37) et à un autre antérieurement peu avant l’an IV, signalé par l’expression « eut lieu d’abord » (Luc 2,2). Le texte araméen permet-il de comprendre ce à quoi fait allusion Luc, ce qui permettrait de résoudre l’objection de la date du recensement trop tardif ?
2. Le texte araméen fait-il bien apparaître que Luc ne confond pas le rite de purification de la mère du Seigneur au Temple (qui ne concerne qu’elle) avec la présentation au Temple du Seigneur qui prévoit le rachat des premiers nés pour 5 sicles (Nombres 3, 47) et non le sacrifice de deux colombes ? Les traductions issues du grec peuvent paraître ambigus de ce point de vue.
Merci d’avance pour vos réponses éventuelles à ces deux questions.
1) l’expression de la Peshytta renvoie explicitement le recensement en cours à un recensement antérieur dont il serait la continuation ; littéralement : « cette inscription première fut durant la gouvernance de Quirinus en Syrie ».
2) Seul le « et » de Lc 2, 24 et la répétition de la formule « selon ce qui est écrit dans la Loi du Seigneur » semblent pourvoir distinguer le précepte de la purification, comprenant le sacrifice des tourterelles, (selon Lv 12, 6) et le rachat des premiers-nés (selon Ex 13, 2 cité et Nb 3, 47). Il y a, en effet, une inclusion ambigüe, puisqu’on commence par la purification, passe au premier-né, puis revient au sacrifice défini pour la purification. Il faut comprendre que l’enfant n’a été présenté au Seigneur qu’à l’occasion de la purification des parents.
Merci beaucoup pour ces explications.