L'Espérance des Apôtres -1
L’Espérance des Apôtres 1/2
paru dans le Bulletin de l’AED-France, 2014/-1, p.4
___À la promesse de Salut offerte par le christianisme, l’homme d’aujourd’hui répond souvent par une question lancinante : un Dieu Qui aime ne devrait pas permettre le mal. Ni l’affirmation théologique d’une catastrophe métaphysique (le péché originel faisant entrer la mort dans le monde) ni celle philosophique qui met en avant la liberté humaine (et reporte sur l’homme le mal) n’y répondent à elles seules. Même l’affirmation complémentaire de l’origine satanique du mal ne suffirait pas encore : il manquerait la dimension de l’Espérance.
___Dès le livre de la Genèse (3,14-15), la dénonciation du Mal s’accompagne de la promesse d’un salut qui arrache le monde à celui qui le tient sous son emprise (Jn 12,31 ; 14,30 ; 16,11). Ce qui pose la question du comment, mais surtout celle du « quand » ?
___Traditionnellement, les réponses apportées vont du pessimisme moraliste (qui postule la destruction finale d’un monde fondamentalement voué au mal), aux utopies politiques (qui promettent de bâtir un « monde nouveau » idéal) – le marxisme-léninisme en a constitué l’exemple le plus sanglant au 20e siècle. Confronté à ces systèmes de pensée, le père Werenfried van Straeten a gardé le vrai cap à cause de son souci profond des témoins de la foi. Au cœur du mystère de la Croix et des enjeux de ce monde, ils mettent en lumière la véritable Espérance, celle en l’action de Dieu dans l’histoire.
___Pour la mieux comprendre, il convient de se tourner vers les Apôtres et de se demander quelle était leur espérance. Ils ont vu la miséricorde de Dieu à l’œuvre dans l’histoire d’une manière éclatante, non seulement dans la mort et la résurrection de leur Maître et Seigneur, mais aussi dans ce qui est advenu autour d’eux. Par eux en effet, les Communautés hébreues répandues de par le monde ont reçu l’Evangile pour le transmettre ensuite aux païens. Ainsi se réalisait l’envoi en mission de Jésus : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28,19), injonction qui s’inscrit dans cette perspective : « Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé; celui qui ne croira pas, sera condamné » (Mc 16,16). Aux yeux des Apôtres, le Jugement apparaît alors comme l’issue et l’aboutissement de la diffusion de l’Heureuse Nouvelle – « l’Evangile ». « Cette Heureuse Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier, en témoignage pour toutes les nations. Et alors viendra la fin » (Mt 24,14) : la condition déterminante et ultime de ce Jugement étant que tous les hommes vivant sur terre aient pris position d’une manière ou d’une autre par rapport à Jésus qui pourra se manifester alors en Juge, sa manifestation étant par elle-même la cause du jugement.
___Cela peut nous paraître inimaginable aujourd’hui, mais les Apôtres ont réellement envisagé cette « seconde venue » (ou parousia selon le grec, arrivée d’un Roi) comme prochaine, en s’appuyant sur les paroles de Jésus lui-même : « En vérité je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé » (Mt 24,34 ; Mc 13,30). Saint Paul lui-même parle de « nous en qui les fins des temps (ta aíôna selon le grec, temps actuels) trouvent leur aboutissement » (1Co 10,11), et dans une lettre précédente : « Nous, les vivants, qui serons restés jusqu’à la Venue du Seigneur » (1 Th 4,15). De même, on lit dans l’Epître aux Hébreux : « Or, c’est maintenant, une fois pour toutes, à l’aboutissement des temps, qu’il s’est manifesté pour abolir le péché par son sacrifice… il apparaîtra une seconde fois à ceux qui l’attendent pour leur donner le salut » (He 9,26b.28b).
___Est-ce à dire que les Apôtres, et Jésus lui-même, se seraient trompés, ainsi que certains exégètes l’ont avancé ? Ce serait méconnaître la manière dont l’Esprit parle des possibilités offertes à chaque génération. Or celle de Jésus, située au tournant de l’histoire, avait un rôle unique à jouer.
___Si les millions d’Hébreux déjà disséminés dans le monde (la majorité d’entre eux étant nés loin de la Palestine romaine) avaient tous répondu à l’appel des Apôtres, rien n’interdit de penser que l’Evangile aurait touché rapidement tous les hommes[1]. La parousie n’était donc pas une lubie d’imaginatifs exaltés mais une possibilité réelle, même si le réalisme oblige à admettre que la conversion de tous les Hébreux sans exception ou leur réponse à l’appel qui leur était adressé était sans doute une chimère : les prophètes de l’Ancien Testament en témoignent largement.
___Il faut comprendre, si l’on peut dire, le langage de Dieu. Notre Dame nous y aide… Lorsque, au cours d’apparition, elle appelle à la conversion et demande de prier pour que tel malheur n’arrive pas, on peut légitimement croire que des catastrophes historiques peuvent être évitées dés lors que les chrétiens répondent à son appel, ce qui ne l’empêche pas, à Fatima, de faire voir aux enfants des images de ce qui adviendrait à la génération suivante.
___Ne ramenons pas la portée de ces questions que pose l’Evangile à un carcan rationaliste où Dieu serait le Lecteur d’un listing d’ordinateur écrit d’avance. Il n’y a pas de listing céleste. Dieu ne peut pas forcer la liberté humaine, qu’Il a lui-même voulue et donnée. Si on fait fonctionner l’analogie du listing céleste, il faut concevoir celui-ci comme étant perpétuellement modifié par le génial informaticien que serait l’Esprit Saint, qui tiendrait compte de l’ouverture qu’il trouve ou pas chez les hommes. C’est ainsi que peut s’éclairer la parole du Christ : « Quant à la date de ce jour et à l’heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, personne sinon le Père seul » (Mt 24,36 ; Mc 13,32).
___De l’attente de la Venue imminente du Christ, les Apôtres ont glissé peu à peu vers une Espérance à long terme qui nous concerne directement.. Mais il est impossible de regarder celle-là sans avoir regardé d’abord la première.
Père Edouard-Marie Gallez suite 2/2 : eecho.fr/lesperance-des-apotres-2
[1] Les cours royales avaient une idée correcte de notre monde ; depuis trois siècles, même le diamètre de la terre était connu (avec seulement 10% d’erreur), et diverses marines semblent avoir exploré les côtes les plus lointaines.
merci à vous et bravo pour votre style à la fois humoristique et si puissant dans sa prière ,il me faudra un peu plus de temps que je n’en dispose aujourd’hui pour parcourir l’ensemble des autre articles
belle journée à vous
nathalie