Les Évangiles, de l’oral à l’écrit: entretien avec Pierre Perrier
Les Évangiles, de l’oral à l’écrit
Entretien avec Pierre Perrier
En lien avec d’autres articles d’EEChO, nous relayons in extenso la publication d’un grand entretien de Pierre Perrier donné à nos amis du site Le rouge et le Noir. Nous avons ajouté quelques liens vers des articles permettant d’illustrer et de développer certains propos + cet ensemble de sources orientales non exhaustives évoquant la formation des évangiles et collectionnées par P. Perrier.
Né en 1935, Pierre Perrier a été responsable de recherche et d’études avancées dans l’industrie aéronautique. Élu en 1990 membre correspondant de l’Académie des sciences, il est délégué général de l’Académie des technologies. Avec les Églises orientales et en s’appuyant sur les travaux de Marcel Jousse, il développe depuis quarante ans, en France, les études sur l’oralité évangélique araméenne dans l’Église judéo-chrétienne primitive. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Évangiles de l’oral à l’écrit (Fayard - Le Sarment, 2000), Les colliers évangéliques (Fayard, 2003), La transmission des Évangiles (Sarment - Éditions du Jubilé, 2006), Thomas fonde l’Église en Chine (65-68 après Jésus-Christ) (Sarment - Éditions du Jubilé, 2008), L’apôtre Thomas et le prince Ying (Kong Wang Shan) : L’évangélisation de la Chine de 64 à 87 (Sarment - Editions du Jubilé, 2012), L’Évangile de la miséricorde : Avec les chrétiens d’Orient (L’évangile au Cœur, 2015). Il a bien voulu répondre aux questions du Rouge & Le Noir.
R&N :
La question de la fidélité de la mise par écrit des Évangiles continue d’être fortement débattue. Quels éléments de réponse apportez-vous à cette question dans vos travaux ?
Pierre Perrier :
Quand on arrive après des années de recherche à un cul de sac, on se dit (théorème de Gödel) qu’il y a un préjugé faux derrière tout cela ; or il y en a deux qui ne résistent pas à une analyse sérieuse de leur valeur. D’abord la fidélité douteuse à accorder aux textes des évangiles en grec. Or il y avait à l’époque du Christ trois dialectes grecs et un grec savant des écrivains d’Athènes. Mais les textes évangéliques en « grec » les plus anciens ne sont pas dans le grec qu’on leur prête mais : –soit en dialecte du nord (de Thrace, cas de Luc traduit par lui à Troas) –soit en dialecte d’Ionie (d’Éphèse, cas de Jean) –soit de Syrie et Palestine (cas de Matthieu) –et enfin le dialecte d’Alexandrie qui se prétendait inexistant car on y aurait parlé le grec savant… oui mais chez les savants.
L’orientaliste et pasteur Eberhard Nestle (1851-1913), son fils [NdEEChO : Erwin Nestle] et Kurt Aland (1915-1994) ont prétendu qu’il existait une « langue franche » internationale, moyenne (dite de la koinè), dans laquelle les évangiles ont été « forcément » écrits. Mais des amis professeurs de grec ancien à Athènes me disent qu’elle n’a jamais été parlée par personne et que son dictionnaire et sa grammaire dits du Nouveau Testament ne sont attestés nulle part. Mais ayant choisi ou cru trouver une langue de référence à valider les pasteurs non linguistes ont choisis pour la reconstruire d’homogénéiser « au mieux » les textes grecs des évangiles dans ce grec (leur grec), baptisé de forme courante, faisant du grec classique d’Athènes bien connu le patron d’une langue véhiculaire bâtie à partir du Nouveau Testament et/ou des Évangiles. Donc ceci n’étant qu’approximativement vrai a en fait augmenté la dispersion du sens qui ne peut plus être analysé avec la rigueur scientifique et linguistique nécessaire relativement à des textes connus du premier siècle…
Ensuite ils n’ont pas accepté que ce grec soit le produit d’une traduction à partir d’une langue sémite stable, franche internationalement à l’inverse de leur grec ; ils n’ont donc pas voulu chercher le texte sémite en amont qui est sous-jacent à tout, car ils ont préféré faire la traduction d’une langue à grammaire et description du temps familière avec pourtant des aramaïsmes qui sont assez différents de la langue savante (exemple type du mot ἀδελφός [adelphos], frère, mais qui en grec ionien est tout autant le cousin germain comme en araméen classique ce que presque tous les protestants refusent !). Ces amis professeurs de l’université d’Athènes m’ont dit qu’ils ont dû beaucoup « améliorer » la syntaxe des Évangiles grecs car les plus anciens textes évangéliques leur font penser aux textes enregistrés en direct à Bruxelles par des interprètes en grec lorsqu’un arabe (langue et grammaire sémite) intervient à la tribune et qu’il faut souvent faire répéter et modifier le texte de l’interprète pour le comprendre.
Vous pouvez d’ailleurs retrouver sur internet la visite de la délégation de Genève sous Calvin au Phanar pour rencontrer le patriarche byzantin qui leur a conseillé de prendre « son texte », certes du 4-5e siècle, mais homogénéisé en bon grec sur la langue parlée et écrite par les grands Pères grecs d’Anatolie, fondateurs de la théologie byzantine. Mais les Genevois ont refusé, prétendant trouver eux mêmes la meilleure (!) source grecque des Évangiles, puis ils lui ont parlé de leur révision de la messe. Le patriarche les a alors fait mettre dehors, convaincu d’avoir rencontré de dangereux hérétiques incapables de comprendre l’intérêt du latin d’empire, langue classique et bien parlée et imposée à Rome au premier siècle mais surtout ne comprenant rien à la « divine liturgie ».
Ainsi, pour des raisons mauvaises, le monde protestant a abandonné la notion mésopotamienne, juive, et occidentale de la nécessité d’avoir des textes de référence dans une langue réellement parlée et priée assez longtemps, fusse-t-elle un peu vieillie, comme la langue des juristes en tous pays. Ils ont abandonné le latin sûr pour une traduction non orale issue d’un bricolage refusé par les byzantins. Je vous recommande donc de lire mon livre « l’Évangile de la Miséricorde avec les chrétiens de l’Orient » où vous pourrez remarquer qu’il ne faut pas moins de 400 corrections sur un collier de 25 petits textes pour avoir enfin quelque chose qui ait de la saveur et vraiment du sens (il n’y aurait seulement qu’une cinquantaine de corrections à faire si l’on était resté sur le texte latin). Loin du latin de la Vulgate, on a obscurci le sens des Évangiles pour des locuteurs en langues dérivées du latin, plus orale, de fait, que le grec savant.
Mais il y a une seconde raison : si on sait pourquoi le texte grec est toujours brouillé quand on remonte le temps, existe-t-il hors Vulgate et texte byzantin une langue fiable qui serait le meilleur porteur du sens des textes évangéliques, et à partir duquel on pourrait avoir plus de sens sûr en français ? Quelque chose qui serait aussi stable que l’hébreu de Qumran comparé à l’hébreu du 7e siècle ? La réponse est oui et c’est un pur retour aux vraies sources que nous proposons sans s’arrêter aux enseignements à la mode occidentale de la grammaire savante du dialecte de Syrie romaine du 4-5e siècle. Tout cela parce que l’on ne veut plus admettre depuis Constantin que Jésus parlait l’araméen de l’empire parthe et non un petit dialecte syro-chaldaïque comme dit Renan. Or on sait maintenant que l’araméen d’empire est aussi stable sinon plus que l’hébreu ; il est encore parlé par un million de locuteurs, a moins évolué que le français de Rabelais et au premier siècle fut compris dans toute l’Eurasie commerçante et dialoguante (dix fois plus que le grec d’Athènes). Quant à l’hébreu, il dérive de l’araméen d’Abraham, a évolué en Égypte et Palestine, était bien établi sous David et Salomon en -1000 mais s’est perdu au retour de Babylone (cf. Néhémie 8, 1-13) au profit de l’araméen parlé/écrit à Babylone. Or depuis Cyrus, la diaspora juive, et l’araméen qu’elle utilise exclusivement, a cru du Bosphore à l’Indus pour atteindre au premier siècle l’Espagne en remplaçant le phénicien, et jusqu’en Chine (où la belle sœur et la garde de l’empereur parlaient araméen avec Thomas…). Tous les princes de l’empire parthe et beaucoup ailleurs parlent au premier siècle l’araméen d’empire, langue des grands contrats commerciaux et de la diplomatie, et Jésus, comme ses princes parents, parlent cette belle langue qui est celle de l’empire parthe même s’ils ne règnent pas.
Or nous avons les textes des Évangiles en cette belle langue que parlait Jésus. Depuis probablement 66-67, avant la destruction de Jérusalem en 70, des textes de référence des quatre Évangiles furent copiés par sécurité pour être déposés et servir de référence à Ninive (Mossoul) et nous avons des copies, certes postérieures aux persécutions sassanides, mais dont certaines avec un colophon (attestation d’origine marquée sur les premières pages) notant que leur copie avaient été faite sur le premier texte rapporté à Ninive par un des 72 disciples. Alors pourquoi ne pas prendre ce texte comme référence ou même un texte latin vetus latina corrigé de ce que l’on sait aujourd’hui être ses petites erreurs par rapport à ce texte araméen ? Est-ce tout simplement parce que l’on a voulu être gentil avec nos amis protestants ? Eux se sont répandus partout disant qu’ils connaissaient la Bible mieux que personne ; ce qui est faux bien sûr parce que tout moine bénédictin ou cistercien voire dominicain ou franciscain en continuelle méditation du texte latin passe énormément plus d’heure à comprendre, méditer et prier la Bible que le plus savant pasteur (j’en ai eu l’expérience)… mais les moines sont humbles…
En résumé il ne tient qu’à nous de dire que le roi exégète est nu et qu’avec un peu de changement de direction on pourrait retrouver la saveur et la vérité de nos merveilleux Évangiles capables de changer le cœur de l’homme le plus pécheur s’il se met à l’apprendre par cœur pour le méditer continuellement, ce qui changera sa vie. Enfin il faut savoir que nous sommes en train de rétablir l’immédiateté de la composition orale et de la mise par écrit des 20% les plus précis dogmatiquement de l’Évangile dans la première année suivant l’Ascension et la Pentecôte. Ce sera le scoop du livre que nous préparons pour l’année prochaine.
R&N :
Qu’est ce qu’un collier évangélique ?
Pierre Perrier :
Un collier désigne un ensemble de textes à réciter à la file pour former un texte long que l’on sait réciter par cœur éventuellement avec un aide mémoire. Par le chapelet ou rosaire on fait plus aisément un texte long régulier par répétition des deux prières alternées « Notre Père… » et « Je vous salue Marie ». La tradition veut que la récitation d’un texte oral long et chanté soit aidé par un collier (autour du cou où se trouvent les cordes vocales) et, si le texte est mimé, avec la main portant un bracelet. Dans tous les cas le nombre de grains est le nombre de récitations et une belle récitation varie les perles récitées. Dans son récital un chanteur réalise sa« performance orale » en disposant avec intelligence les chansons selon leurs types de texte et de mélodie et selon le message, la thématique qu’il a choisie. Ainsi le temps est découpé par lui en portions différentes mais complémentaires selon le thème ou la coloration du récital.
En amont des Évangiles qui sont des récitations d’un évangile complet de l’ordre de 300 perles (une perle est une récitation de paroles ou de gestes comme une histoire ou une danse), il y a eu des colliers de 5 ou 10 ou bien 25 ,50 ou même 100 perles. Plus le collier est petit plus il est facilement retenu, mais pour des colliers plus gros, de 25 perles par exemple, il faut un certain entrainement de la mémoire. Ce n’est pas impossible comparé à la performance d’un récital de piano de souvent plus d’une heure ! Les prêtres et les diacres, dans les églises célébrant en araméen, savent par cœur tous les textes de leurs liturgies. En araméen on distingue les colliers par leur thème : collier de l’enfance, collier de l’envoi en mission, collier de la Passion…. mais dans l’évangile (en araméen le mot désigne le livre de référence mais pas à apprendre par cœur tel quel) ils constituent des « bouts découpés » et leur ensemble s’appelle une Karozoutha ou récitation à plusieurs voix (son texte est alors une mosaïque venant de plusieurs témoignages réunissant chacun plusieurs textes, ce qui est le cas de nos évangiles).
Le texte grec variable n’est pas fait pour être appris par cœur, le latin le fut bien davantage. Mais l’apprentissage par cœur se faisait (et devrait toujours se faire) par colliers. Sinon on perd le sens thématique donné par l’ensemble des perles de chaque collier, ce qui ne risque pas d’arriver pour les colliers conservés intacts aux bouts des évangiles (Enfance, Passion et Résurrection). Hors ces trois colliers le chrétien moyen, voire éduqué, ne connaît pas l’existence des colliers sauf par bouts : nous sommes dans le jubilé de la Miséricorde et j’ai publié pour le bien de mon groupe et de quelques lecteurs les 25 textes composés dans ce but dont les chrétiens ne connaissent que Luc 12, 25-37 avec Luc 15, 1-32 soit 5 perles au plus tandis que plonger dans les 20 autres donne un éclairage bien plus profond sur la Miséricorde pour la diversité des pécheurs. Même le mot araméen miséricorde présent 5 fois dans les trois cantiques chantés quotidiennement par nos moniales et moines ne figure qu’une fois dans nos textes (il en était absent auparavant). Comment croire à son importance quand on ne le lit que dans les documents du Vatican et dans la Vulgate (4 fois c’est déjà mieux). Le plus souvent en d’autres périodes de sa prédication, Jésus abordait plusieurs thèmes selon les interlocuteurs ou l’occasion ; sauf quelques cas de colliers réunis ou dispersés dans les lectionnaires (Sermon sur la montagne, ou collier de paraboles et récits apocalyptiques, chap. 13 ou 25 de Matthieu), l’auditeur des textes liturgiques les ignore comme les catéchistes, pour lesquels ces collections ont été faites et pratiquées pour la première évangélisation. Ne seraient-ils plus utiles aujourd’hui ?
Or un sous-produit important du savoir par cœur, perle à perle, est la possibilité de répondre avec les paroles de Jésus à un ami qui a des doutes ou de parer à la persécution avec destruction extérieure des Écritures ; avant l’imprimerie et internet, les connaitre par cœur s’est avéré efficace pour associer les études et l’aide à la recopie des parchemins abimés par le temps : si vous savez par cœur hors l’écrit et copiez en reproduisant lignes et pages (photographiquement), le nombre d’erreurs de copie devient insignifiant. En effet les erreurs de copie se font sur fausses lectures et lapsus d’écritures et précisément les copies d’évangéliaires ne pouvaient être faites en Orient que par des moines ayant montré la connaissance par cœur du texte à copier et reproduisant ligne à ligne et page par page selon la tradition mésopotamienne puis chrétienne et non dans la tradition gréco-latine où le copiste est juste payé à la ligne de copie (essayez sur les fables de La Fontaine que vous connaissez ou non et sachez que ce type de texte vient de collections de fables recopiées sur des millénaires venues par Plaute et Ésope d’un auteur mésopotamien d’il y a plus de trois mille ans dans une culture qui a inventé l’écriture mais distinguait le scribe et l’auteur qui, lui, composait dans sa tête et récitait avant de dicter voire d’écrire lui-même).
R&N :
Les études occidentales sur les premiers textes du christianisme se concentrent beaucoup sur les textes grecs et peu sur les textes syriaques. Pourquoi ?
Pierre Perrier :
C’est en fait la fixation sur le grec, remis à l’honneur par les réfugiés de Constantinople occupée, qui a desséché les études, mais il faut savoir que la prise du pouvoir par les chefs arabes sur l’immense empire parthe a conduit bien avant, par bêtise, à détruire les bibliothèques (4 semaines et demi pour bruler la bibliothèque et les archives de l’empire perse, plus grandes que celles d’Alexandrie…) selon leur parti-pris de retour au temps des chasseurs libres et prédateurs des pays civilisés et riches. C’est ensuite par la fatwa de Bagdad (de 806 je crois [NdEEChO : confirmée par la fatwa du calife al Mutawakkil en 847]) qui déclarait de foi le Coran en arabe incréé auprès de Dieu (caricature du Verbe) que l’élimination de l’araméen devint une obligation légale sous peine de gorge tranchée (ne pas laisser parler !). Chaque ami de Dieu mésopotamien ou perse lui-même fut forcé d’abandonner la civilisation qui était pour lui et est aussi pour nous « notre source ».
Pourquoi parle-t-on de syriaque désormais : car par cet adjectif de transfert sur un dialecte occidental imprégné de mots grecs et d’anciens mots dialectaux phéniciens on élimine la source désormais maudite des sciences morales et politiques dont l’on forcera les moines à traduire en arabe leurs sciences et celles des grecs qui en sont dérivées pour donner un manteau à la science et à la philosophie arabes, en fait quasi inexistante comme l’on commence à s’en rendre compte, et le mot syriaque s’est mis à remplacer le mot araméen en Occident, naïf sur tout cela lorsqu’il eut mis la Syrie sous son mandat…
Dans ces conditions, les cachotteries d’Eusèbe de Césarée (auteur vedette d’une Histoire Ecclésiastique pour Constantin) qui « oublie » de parler de la composition précoce des Évangiles en langue des hébreux (le mot araméen qui est la langue de l’ennemi héréditaire parthe ne figure jamais dans son grec et on n’est pas sûr qu’il parlait ce qu’il considérait comme le dialecte du peuple syrien). Il ne dit que peu de plus que les Actes des apôtres sur les 30 premières années de l’Église de Jérusalem mais parle à la place en détail de la fondation de l’Église à Édesse ; or cette fondation est prouvée aujourd’hui largement légendaire. Mais c’est une grande ville dans l’échiquier des places fortes de l’empire romain contre les parthes, alors que Jérusalem est toute petite avec un petit évêché suffragant de Césarée, la capitale romaine et archevêché d’Eusèbe. Celui-ci essaye dans ce contexte de faire croire à son empereur (il est arien) que Jésus était un grand prophète de l’empire et qu’il fallait bien le traduire de l’araméen. En prenant l’exemple des textes grecs de Luc et de Jean il fait tout pour rapprocher la composition des Évangiles et leur parution libre en grec en 50 et 90, comme si la transmission entre ces dates n’avait été qu’orale (donc « barbare » mot grec signifiant étranger) : oui mais Eusèbe n’est pas un saint, est arien, fin politique, et sait plaire à Constantin qui décide de cesser de laisser répandre légalement le sang chrétien.
R&N :
Vous avez par ailleurs écrit plusieurs livres sur l’évangélisation de Thomas en Chine. Quel est désormais l’état de la recherche scientifique sur cette question ?
Pierre Perrier :
Il y a un groupe qui travaille avec des chinois de la diaspora sur les archives du père Yen Chi Ling (que j’ai sauvées après son décès) qui préparait une histoire de l’Église et de sa présence ininterrompue en Chine (ce que peu savent). Nous avions décrit à grand traits cela avec un coauteur, Xavier Walter, professeur de chinois à l’université de Nanterre malheureusement décédé, dans le livre Thomas fonde l’Église en Chine (éd. Jubilé 2008). Ce groupe devrait publier bientôt ses validations que nous attendons pour orienter la suite de nos recherches.
Avec d’autres, je travaille en attendant à comprendre comment le bouddhisme venu à la fin des Han en Chine, puis épaulé par le manichéisme qu’il a étouffé, s’est efforcé de dissoudre la chrétienté dans son syncrétisme, et, devant sa résistance, l’a fait persécuter et a pris sa place en devenant la religion féminine syncrétiste de toutes les religions tolérées y compris impériale éclatée en deux ou plus parties. Alors que l’église souterraine continuait son existence à travers trois siècles de décadence, elle redevint visible à nouveau sous l’empereur chrétien Sui qui rétablit l’unité de l’empire et l’ouverture extérieure préparant ainsi la période des T’ang qui est un nouveau sommet de civilisation en lien avec l’empire parthe. Puis l’écran totalitaire musulman éloigna pour des siècles la Chine de tout contact avec l’occident et le berceau mésopotamien opprimé sauf lors d’une parenthèse mongole complexe.
Nous travaillons ainsi sur l’histoire des religions dans le cadre d’EEChO sans les préjugés des média qui s’éloignent trop désormais par globalisme relativiste de la vérité historique avec ses relations diversifiées et de profit mutuel. Le pouvoir chinois commence à se rapprocher de notre pensée à mesure que les recherches historiques chinoises montrent l’importance des échanges eurasiatiques continentaux. Cela est cohérent de fait avec les nouveaux concepts de « Route Moderne de la Soie » montée avec les Russes, hors de l’hégémonie américaine, et en se méfiant, sans nos compromissions, de l’Islam violent.
Je viens de faire un voyage sur les traces de la venue de Thomas en Inde qui va permettre de diffuser des découvertes indiennes récentes qui étonneront bien des gens et confirment nos travaux comme les leurs. Grâce à ceux-ci, se préparent des axes de recherche nouveaux qui vont mettre en évidence la vérité sur l’évangélisation apostolique orientale. Mais j’ai rencontré là-bas à nouveau les méfaits de positions universitaires françaises « laïques » occupées à déconstruire la vérité de nos travaux en marginalisant toutes les sources orientales, indiennes et chinoises, démontrant les fruits bienfaisants de l’évangélisation apostolique pour le monde accessible au premier siècle de notre ère.
Entretien réalisé par Henri de Begard
Les positions universitaires laïques, depuis la loi de 1905 et avant, sont fréquemment anti religion et en particulier contre l’Église Catholique. N’oublions pas que cette loi de 1905 succédait à l’affaire des fiches lancées par le Grand Orient. L’attitude de l’Etat laïque s’en ressent encore aujourd’hui.
Bonjour, et merci pour ces articles…
Est-il possible d’obtenir une version pdf de l’article? (c’est un outil appréciable pour tous les articles de ce site!)
Merci!
Fait pour cet article.
Belle recherche !
Je propose une pierre à cet édifice. Les nombres d’occurrences des mots de l’évangile de Jean sont signifiants. Je l’ai découvert « par hasard », j’y travaille depuis deux ans en me basant sur la version grecque la plus courante (je ne connais pas les variantes, les dialectes, l’araméen…).
Ma conviction est assise sur un grand nombre de coïncidences à la fois improbables et signifiantes.
Par exemple, il y a 59 occurrences du mot Homme, du verbe Ecouter et du verbe Parler : l’essence de l’homme est de parler et d’écouter.
Il y a 83 occurrences du mot Dieu. Un nombre premier pour le Dieu UN. Aucun autre mot n’est utilisé 83 fois.
Il y a 24 occurrences des mots JE SUIS, Esprit et Pain. Tous les trois « descendent du ciel » pour amener l’homme (59) à Dieu (83 = 59 + 24).
Il y a 40 occurrences du mot Verbe, et 480 occurrences (40 x 12) du verbe Dire.
Voir l’étude complète à http://leon.regent.free.fr/Jean_et_les_Nombres.htm.
Ceci voudrait dire qu’il y aurait une version grecque « finale originale » quasi infalsifiable de l’évangile de Jean.
Je serais très heureux d’échanger sur ce sujet avec d’autres qui s’y seraient intéressés, et d’avoir un avis de spécialistes.
Bonjour,
Il faut rester très prudent avec ce genre d’études destinées à prouver des « miracles numériques » (particulièrement nombreuses vis à vis du texte coranique). Généralement, ce qui oriente leur rédaction n’est pas la recherche objective d’une quelconque vérité mais la conviction préalable que le texte est déjà « numériquement miraculeux » : la réflexion ne se fonde alors pas sur l’examen objectif des faits pour en tirer des conclusions, mais sur cette conclusion préétablie, avant tout examen des faits … De fait, ceux qui s’y livre recherchent alors toutes les coïncidences possibles de nombres, d’additions, d’occurrences de mots, jusqu’à tomber sur des calculs justes sensés épater la galerie. Mais qu’en est-il de tous les calculs qui ne tombent pas juste ? Pourquoi, par exemple, ne tirez vous aucune conclusion de ce que le nombre d’occurrences de « Jésus » n’est pas égal à celui de « Dieu » ?
Bref, on bafoue ainsi la méthode scientifique et sa nécessaire rigueur.
Pour rappel, la démarche scientifique, c’est :
1) d’observer le réel . Dans votre cas, des occurrences de mots provenant d’un texte grec composite, rédigé au 19e siècle d’après des manuscrits disparates, issus de traductions de compositions premières en araméen, comme expliqué par Pierre Perrier dans son entretien
2) de formuler une hypothèse qui expliquerait le réel. Dans votre cas : ces occurrences de mots, ces calculs, seraient le fruit d’un « miracle », d’une « providence divine »)
3) de tester l’hypothèse d’explication sur le réel, et si celle-ci fonctionne, de la valider en attendant de nouveaux tests. Effectivement, dans votre cas, 83 est bien égal à 59+24 – mais en quoi est-ce un miracle ?
4) Et de tester de la même manière toutes les explications possibles, il n’y en a pas qu’une. Quid de cette étape dans votre raisonnement ? quid de l’explication suivante à vos occurrences de mots : « c’est une simple coïncidence qui ne veut rien dire en elle même » ?
Et à chaque fois, on élimine les hypothèses qui ne fonctionnent pas. Celle ou celles qui tiennent la route sont alors vraisemblablement les bonnes, jusqu’à preuve du contraire. Et si deux explications incompatibles entre elles sont validées par le test, alors c’est qu’il y a un problème à la base dans les présupposés de l’observation du phénomène ou dans la logique des conclusions… Dans votre cas, c’est évidemment que votre addition ne veut rien dire en elle même. Elle ne prouve rien. Vous voulez y voir un miracle. Soit. Mais la possibilité d’une simple coïncidence est infiniment plus vraisemblable.
Merci de votre réponse.
Vous avez raison. Comment peut-il y avoir des nombres d’occurrences signifiants dans un texte grec qui a été chahuté ? Les nombres sur lesquels je me base sont certainement en partie faux.
Comment, sans ordinateur, aurait-il été possible de maîtriser ces nombres d’occurrences ?
C’est vrai que chaque coïncidence peut être mise sur le compte du hasard. C’est vrai qu’en tentant d’aller voir de plus près, je trouve aussi des coïncidences moins improbables discutables. C’est vrai que certains font dire aux nombres n’importe quoi et y voient un miraculeux plus que douteux ou des arguments pour prouver leur conviction préalable.
Mais l’ingénieur au fait du calcul de probabilités que je suis ne peut pas accepter de mettre ce que j’ai découvert sur le compte du seul hasard : ce serait nier le « réel ». La contemplation de certains nombres révèle une mystérieuse beauté, bien au-delà de nos attentes logiques du type : il faudrait que les mots Dieu et Jésus soient utilisés autant l’un que l’autre.
Je suis bien en peine de formuler une hypothèse qui expliquerait ce « réel », et je me garde bien de parler de miracle. Le mot inspiration me semble plus juste. Mais alors, on n’est plus dans le scientifique, mais dans l’écoute de l’Esprit. Nul ne sait ni d’où il vient, ni où il va…
Bonjour,
Pierre Perrier devrait consulter d’autres personnes que ses amis professeurs de grec avant d’affirmer que le grec de la koinè n’a jamais existé.
Le monde de la recherche sur les textes grecs anciens (pas seulements religieux) de cette époque est d’un avis contraire.
A quand une confrontation avec le monde universitaire ?
Cher Jérôme,
Vous reproduisez l’opinion de cercles d’enseignants en place, dont vous-même ne semblez pas faire partie. C’est trop gentil pour eux de vous faire leur porte-parole, eux qui ne sont pas ouverts au dialogue et encore moins à la confrontation.
Entre ce que les humanistes occidentaux ont affirmé à partir du 15e siècle et ce que disent les spécialistes grecs d’hier et d’aujourd’hui, il y a un gros fossé. Ces derniers nous disent qu’il y avait 4 grands dialectes grecs au premier siècle, celui du Péloponèse, celui d’Athènes, celui d’Ionie et celui d’Alexandrie et d’autres mineurs ; il faut ajouter par la suite celui de Constantinople c’est-à-dire de la cour impériale.
L’hypothèse du « grec koinè » a été émise pour homogénéiser les manuscrits grecs du NT, en vue d’en sortir un « texte grec original ». Mais c’était une double fiction. D’abord parce que ces manuscrits reflètent plusieurs dialectes grecs, et qu’ensuite, il n’y a jamais eu de « texte grec » original : seulement des traductions de l’araméen. Voir notamment https://www.eecho.fr/le-texte-grec-quel-texte-grec.
Vous répondez sur la défensive.
Je ne suis le porte-parole de personne. Je lis avec intérêt ce qui se dit sur ce site, mais je ne prends pas tout pour argent comptant. Quand on me dit « on vous a dit ça mais moi je vous dit autre chose », j’ai tendance à aller chercher ailleurs pour vérifier. Donc, je me renseigne et prend d’autre avis et d’autres sources. Ce qui devrait être un minimum dans la recherche scientifique.
Je parle de personnes qui travaillent dans le monde de la recherche, qui ont passé des dizaines d’années a étudier les textes grecs de cette époque (cela va bien au-delà des évangiles) et de toute catégorie littéraire de cette même époque.
Pour eux, le grec koinè n’est pas une hypothèse mais une réalité observable. Ce ne sont pas des opinions, ni des hypothèses.
Pour finir, l’existance du araméen original, n’exclut en rien celle d’un grec original concomitent.
Il n’y que lorsqu’on a des conclusions toutes faites, que l’on fait tout pour arriver à ces conclusions.
Cher Jérôme,
Vous pointez l’exacte ligne de discorde : il y a deux hypothèses incompatibles sur l’origine des évangiles écrits
1) vous avez d’un côté l’hypothèse de l’existence d’une langue grecques Koiné qui aurait été celle de l’écriture originale des 4 évangiles
2) vous avez de l’autre l’hypothèse de la composition originale des évangiles en araméen d’empire, puis de leur traduction dans les dialectes grecs du 1er siècle
Ces deux hypothèses existent en elles mêmes. Elles peuvent être soupesées, analysées, décortiquées à froid, indépendamment des querelles d’expert ou des enjeux qui leur sont liés.
Nous avons présenté sur ce site de nombreux témoignages et démonstrations …
… qui invalident la première hypothèse
… qui confortent la seconde
Jusqu’à présent, nous n’avons pas vu passer de travaux proposant l’inverse. En connaissez vous ?
Monsieur,
Je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre. Je n’ai pas abordé la question des évangiles. J’ai l’impression qu’on veut absolument tout ramener à la question des évangiles ici.
Je parle de l’existance d’une langue grecque sémitisée dite de la koinè. Cela dépasse largement la question des évangiles, puisque l’on parle d’une réalité qui s’étale sur plusieurs siècles, non seulement dans la littérature religieuse (la Septante) mais aussi dans d’autres genres littéraires de la même époque. C’est bien cela qui m’est confirmé par « la recherche », c.a.d. ceux qui étudient les textes de tous types de cette époque. Je répète ce que j’ai dit, ce n’est pas une hypothèse mais une observation. Par ailleurs, cette observation se constate dans les évangiles, puisque vous voulez aborder le sujet.
Evidemment c’est un témoignage personnel que j’ai obtenu, donc vous pouvez dire que ça ne vaut rien. Mais ça ne vaut pas moins que l’affirmation de Pierre Perrier « des amis professeurs de grec ancien à Athènes me disent qu’elle n’a jamais été parlée par personne et que son dictionnaire et sa grammaire dits du Nouveau Testament ne sont attestés nulle part. », car il n’est pas chercheur en textes grecs anciens.
Pour ce qui est de la question de l’araméen, je n’y vois pas d’objection. Mais quelqu’un comme le fr Bernard Marie penche pour une composition des évangiles grecs en même temps que leur équivalent araméen. Preuve qu’il n’y a pas consensus.
Bonjour,
Je me suis permis de poster un commentaire à la suite de l’article
https://www.eecho.fr/le-texte-grec-quel-texte-grec/
Cela pourra contribuer au débat, qui me semble nécessaire.
Cordialement,