Egypte 1/2: les Coptes et la Révolution (2011-2013)

« Les Coptes et la Révolution en Egypte »

Introduction

Cette analyse a été donnée par Mme Shahira Rigaud, Secrétaire de Solidarité copte, lors de la soirée du 14 décembre 2014

En Egypte, les Coptes sont les Egyptiens chrétiens. Ils représentent environ 15 à 20% d’une population estimée à 85 Millions d’habitants.

Depuis la conquête islamique au VIIe siècle, ils ont toujours été discriminés et persécutés, avec des périodes assez clémentes et d’autres beaucoup plus violentes. Les gouvernements égyptiens, qui se sont succédé au cours des siècles, ne leur ont pas été très favorables. La «dhimmitude» (des mesures discriminatoires imposées par la loi islamique, (la  charia) à l’encontre des Chrétiens, sera, selon les gouvernements, appliquée avec plus ou moins de rigueur. Quelques faits au XXe siècle permettent de mieux comprendre que la discrimination des Chrétiens en Egypte est toujours une réalité durable.

Ainsi, en 1934, quelques années après la création de la confrérie des FM par Hassan El Banna, le vice-ministre de l’intérieur de l’époque, Ezabi Pacha, a imposé à la communauté copte 10 conditions pour la construction des églises. Parmi ces conditions, il fallait :

  • que les musulmans acceptent la construction d’une église
  • que l’église en question ne soit pas construite face au Nil ou face à un bâtiment public
  • et que cette église ne soit pas construite à moins de cent mètres d’une mosquée.

Quelques décennies plus tard, ce message d’inégalité a été semé dans la société égyptienne. En effet, le président Sadate, de 1970 à 1981, s’est tourné vers les islamistes qui ont interprété son geste d’ouverture, comme un feu vert pour installer une société islamiste. C’est d’ailleurs à cette période que commencent les attaques contre les églises.

Quand Moubarak arrive au pouvoir, les  mauvais traitements infligés aux chrétiens sont déjà chose courante. Certes, Moubarak avait la capacité de gérer l’islam politique, mais en jouant un double jeu : officiellement il menait une guerre féroce contre les islamistes, en réalité, il les laissait libres dans le domaine éducatif et dans le contenu des prêches à l’intérieur des mosquées. D’où un immense lavage de cerveaux qui a influencé des générations entières et qui est en grande  partie responsable aujourd’hui des énormes dégâts causés au sein de la société égyptienne.

La révolution du 25 janvier 2011

Quand la contestation démarre le 25 janvier 2011, les Coptes, défiant les recommandations du Pape Shenouda, participent tout naturellement et activement aux manifestations dirigées contre le régime de Moubarak, qui lui aussi a laissé se développer un climat de grande méfiance envers les Coptes. Les manifestations  aboutiront le 11 février à la destitution de Moubarak qui confie alors les rênes du pays au « Conseil Supérieur des Forces Armées ». En octobre 2011, les Coptes payèrent un lourd tribut à leur engagement politique. L’incendie d’une église à Assouan donna lieu à une énorme manifestation à la place Maspero au Caire, une manifestation qui sera réprimée dans une brutalité stupéfiante. Les chars de l’armée égyptienne feront, parmi les Coptes, 28 morts et des centaines de blessés.

En avril 2012, l’arrivée des Frères Musulmans au pouvoir et l’élection de Mohamed Morsi, membre de la confrérie des Frères musulmans, ne donnent aucune lueur d’espoir à la communauté copte. De fait, durant l’année de présidence islamiste, partout en Egypte, les chrétiens subissent des actes de violence : enlèvements de pères de familles pour obtenir des rançons, kidnappings de jeunes filles qui subissent conversions et mariages forcés, viols de femmes, harcèlement sexuel de toute femme non-voilée, attaques contre des églises et terreur semée par les milices des Frères à l’encontre de la population chrétienne. Ces agressions ont lieu partout en Egypte, particulièrement dans le sud, fief des populations chrétiennes.

Les chrétiens se voient même attaqués par leurs voisins et proches.

En effet, l’islamisation de la société a pris des proportions énormes. Des messages de haine contre les chrétiens infidèles sont diffusés partout : dans les villages, comme dans les quartiers ; dans les usines comme  dans les écoles et universités. Ainsi, les programmes scolaires sont totalement islamisés par les FM et le système éducatif nourrit la discrimination, l’extrémisme et le fanatisme religieux. Les exemples de Coptes arrêtés arbitrairement pour blasphèmes deviennent quotidiens. Ainsi, suite à une plainte déposée par l’une de ses élèves, une enseignante copte  de Louxor, Demiana Abdel Nour est arrêtée pour blasphème contre l’Islam.  Elle est mise en prison et  ne sera libérée qu’après versements d’une caution.

La constitution de novembre 2012, imposée de force par Morsi, exclut les chrétiens de leurs  droits fondamentaux. Dans ce contexte, les Coptes ont alors peu de choix : 3 possibilités s’offrent à eux : se convertir, partir ou mourir.

Durant plus d’une année, l’Egypte entière vivra dans la plus grande souffrance et dans l’insécurité la plus totale. En avril 2013 et pour la première fois depuis la conquête islamique, sous les yeux d’une police impassible et complice, la cathédrale du Caire, siège papal, est attaquée par les milices des FM.  La persécution atteint ainsi son point culminant. Malgré toutes les agressions dirigées contre les Chrétiens, l’état n’a jamais inquiété les Frères musulmans ou leurs complices. Ce dernier événement, à savoir l’attaque du siège papal, a sans nul doute contribué à pousser des milliers de Coptes à participer à la campagne « TAMAROD » (Rébellion) qui a conduit au soulèvement populaire du 30 juin 2013. Ce mouvement a réussi à récolter des millions de signatures. Le mécontentement, qui avait touché une grande partie de la population, aboutit au soulèvement populaire du 30 juin qui exige le départ du président Morsi.

Pourquoi les Coptes ont-ils soutenu ce coup d’état populaire ?

Parce qu’ils ont vécu comme un événement providentiel. Durant le mandat de Morsi, encouragés par un discours sectaire, fanatique, haineux tenu jusqu’au sommet de l’état, le mépris et la violence envers les Coptes se sont encore accentués : villages chrétiens rasés, massacres collectifs de femmes, enfants, vieillards, persécutions à grande échelle pour des crimes de blasphème contre l’Islam et pour prosélytisme. Durant cette année catastrophique des FM au pouvoir, les Coptes ont vécu un véritable enfer,  mais ils ne sont pas encore au bout de leurs peines.

L’offensive du 14 août, menée par l’armée et la police contre les manifestants pro Morsi installés dans 2 sit-in au Caire, déchaîne un véritable ouragan de violences contre les Coptes. Assem Abdel Maguid, un extrémiste et membre du conseil consultatif (Majless el Choura) appelle à une croisade contre les Coptes à cause de leur participation au soulèvement du 30 juin. Il est vrai que les Coptes, en s’associant à cette vaste campagne anti-Morsi, s’attendaient à subir la vengeance des Frères musulmans, mais sans en prévoir l’ampleur. En n l’espace de quelques heures, un ouragan d’une rare violence s’abat sur les Coptes. Les crimes se multiplient : meurtres de religieux et de civils, incendies et destructions d’églises et de monastères, viols et rapt de femmes. On peut aujourd’hui citer avec certitude les chiffres suivants :

  • 37 églises entièrement brûlées dans les gouvernorats de Minieh, Sohag, Fayoum, Assiout, Suez et même dans le nord du Sinaï où un prêtre a été tué.
  • 21 églises saccagées et attaquées par des cocktails Molotov à Minieh, Assiout, Alexandrie et Gizeh
  • 7 écoles chrétiennes complètement brûlées à Minieh, Suez et Béni Soueif
  • 7 institutions chrétiennes (genre orphelinats, bibliothèques, clubs, bateaux …) entièrement brûlées à Minieh, Assiout et Fayoum.
  • 970 maisons, 175 petits commerces, 37 pharmacies, 3 hôtels, 75 autocars appartenant à des citoyens Coptes, particulièrement en Haute Egypte, mais ailleurs aussi y compris dans le Sinaï.
  • Pendant plus d’un mois, le village de Delga dans la province de Minieh a été complètement assiégé par les milices des FM et autres groupes islamistes, sans que la police n’intervienne. Les habitants ont alors vécu un véritable martyre. Le nom d’Iskandar de Delga, copte assassiné, restera à jamais gravé dans la mémoire collective copte. Son corps a été traîné derrière un tracteur dans tout le village, puis découpé en petits morceaux, brûlé, enterré et déterré.
  • A Guizeh, au mois d’octobre, des Coptes sont attaqués à la sortie d’un mariage à l’église de Warraq : 5 personnes de la même famille sont tuées et 17 autres, grièvement blessées.
  • Quant aux viols et conversions, une enquête auprès des agences de presse n’a pas permis d’obtenir de chiffres exacts : selon les églises, la plupart des victimes de viol n’en parlent pas, pour sauvegarder l’honneur de la famille. Quant aux conversions forcées, les journalistes sur place avancent le chiffre de plusieurs centaines, des chiffres confirmés par Amnesty International en octobre.

Les Coptes ont conscience que la forte imprégnation des idées islamistes chez une partie de leurs compatriotes musulmans, surtout chez les jeunes, ne pourra pas disparaître du jour au lendemain. Aujourd’hui encore, les Coptes vivent dans la peur et dans l’angoisse. Quatre mois après le 14 août, malgré les promesses du gouvernement d’intérim, rien n’a encore été fait pour reconstruire au moins  une des 74 églises détruites. Ceci est peu surprenant, car dans l’histoire contemporaine de l’Egypte, personne n’a jamais été, depuis 1974, condamnée pour la destruction d’une église.

Conclusion

Aujourd’hui, les Coptes sont dans l’attente. Malgré leurs craintes, ils espèrent néanmoins  une amélioration de leur sort dans un avenir proche. Pour cela, ils comptent sur les responsables politiques qui ont soutenu l’élan populaire du 30 juin. Ils comptent aussi  sur l’application de la nouvelle Constitution qui semble représenter une avancée pour les Coptes au niveau :
–         de la liberté du culte,
–         de la représentation équitable des Coptes dans les sphères politiques,
–         et surtout de l’annulation des articles imposés par Morsi dans la constitution de 2012.

Unis, les Egyptiens ont la capacité de modifier, de modeler, de créer une nouvelle société non-discriminatoire, où les intérêts communs passent bien avant les convictions personnelles.

Shahira Rigaud
14 Décembre 2013

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