Le « Jour du Jugement »: ce qu’il est ou n’est pas
De quoi parle-t-on quand on mentionne le « jour du Jugement » ?
Différents articles d’EEChO ont abordé déjà la question de ce « Jour du Jugement », qui a un sens plus actuel que jamais, mais pas nécessairement selon ce qu’on imagine habituellement.
A proprement parler, la Bonne Nouvelle aux défunts ou rencontre par le Christ de ceux qui sont décédés ne constitue pas ce « Jour »-là, et on ne devrait même pas parler de « Jugement » à propos de cette rencontre. Car si jugement il y a, ce n’est pas par un juge mais plutôt par et sur soi-même, dans la Lumière de Celui qui est passé de la mort à la Vie, et qui est la Porte, unique, par laquelle il faut accepter de passer pour aller vers le Père.
Voir : https://www.eecho.fr/?s=enfers ou https://youtu.be/jizqOKrJFiU ou https://www.foi-vivifiante.fr/pages/nouveau-testament/le-christ-exorciste-la-bonne-nouvelle-aux-defunts-1.html#page1.
Quand on parle à juste titre du « Jour du Jugement », il s’agit d’un vrai jugement, et par Jésus lui-même, lors de sa Venue : même les traditions musulmanes le savent, quoiqu’à travers des déformations diverses et plus incohérentes les unes que les autres – Amir Moezzi, qui a étudié les « dits » attribués au « prophète de l’islam » insiste beaucoup sur ce point, et la prière de la Fātiḥah ou sourate 1 est elle-même centrée sur ce Jour du Jugement.
Ce « Jour du Jugement », après être devenu très flou dans la théologie catholique (scolastique), a complètement disparu de l’horizon à partir des années 1960 ; il a été remplacé par le mythe (évolutionniste) d’une apothéose de l’histoire de l’humanité inscrite dans son développement même. La foi chrétienne était devenue la croyance idéologique en la construction d’un monde idéal.
Certes, l’enseignement de la Révélation sur ce qui suivra le Jugement de la Venue Glorieuse s’était perdu depuis longtemps, malgré le fait qu’on ait redécouvert (tardivement) les écrits de saint Irénée et donc l’interprétation apostolique qu’il donne des nombreux passages du Nouveau Testament relatifs à l’avenir, entretemps devenus très obscurs (aux Occidentaux).
Déjà en 2010, dans un article sans doute trop technique étaient signalés les oublis conjoints du sens de l’histoire personnelle ou collective, marquée dans les deux cas par une rencontre de Jésus Seigneur : soit dans le mystère de la mort (appelé confusément « les enfers ») après notre vie sur terre, soit sur la terre elle-même confrontée à la manifestation du Seigneur « sur les nuées », visible de partout. Pourquoi conjoints ? Parce que ce n’était pas un hasard si l’on oubliait l’une et l’autre rencontres : la pensée chrétienne occidentale marquée par le moralisme augustiniste ne parvenait plus à exprimer le devenir au delà du temps actuel, que ce temps soit celui de notre vie ou celui de l’humanité actuelle. Sans devenir, pas de rencontre.
Car une rencontre n’est jamais anodine. Elle change quelque chose d’un côté et de l’autre. Les convertis qui disent : « j’ai rencontré Jésus » emploient le mot juste : quelque chose a été changé en eux, ils ne sont plus les mêmes qu’avant. La rencontre est toujours le facteur déterminant dans la vie humaine (ce que les moralistes et intellectuels ne comprennent pas) : ce n’est pas un acte humain qui sauve, même un acte de foi, c’est la rencontre du Christ – et son acceptation, évidemment.
Car une rencontre peut aussi se passer mal et se terminer par une rupture : c’est bien ce qui se passera pour ceux qui, soit en le voyant dans le mystère de la mort, soit le voyant « sur les nuées » lors de sa manifestation glorieuse, le refuseront et, dans les deux cas, s’excluront du chemin vers le Père, chemin soit terrestre (le royaume des justes, dit saint Irénée) ou pré-céleste (le purgatoire) – et prendront donc le chemin de l’Enfer, la « seconde mort » [1].
Ainsi existe-t-il une analogie entre les deux rencontres de Jésus. Quand on perd l’une de vue, on perd aussi l’autre.
Il va sans dire que les sacrements sont des anticipations de cette rencontre soit personnelle soit collective, dans la vie personnelle et aussi communautaire des baptisés.
Au point de vue personnel, la rencontre plénière sera celle de l’au-delà – celle des « enfers » (un terme bien inadéquat) –, chaque sacrement étant déjà une rencontre avec le Christ en rapport avec telle ou telle dimension de la vie humaine. Les sacrements continueront bien sûr dans le temps du Royaume de Jésus qui est aussi celui des justes.
Au point de vue collectif, la rencontre sera véritablement plénière quand, accomplissant le temps de sa Venue qui est une « préparation à l’éternité » (dit saint Irénée), il remettra son Royaume au Père (1Co 15,24) en s’avançant pour conduire à Lui l’humanité préparée (ainsi que, avec elle, l’univers créé). [2]
En fait, le sens révélé de l’histoire a carrément échappé à la théologie moraliste et notionnelle de l’Occident, et d’abord à celle des Gréco-byzantins. La Révélation révèle (= dévoile) le sens de l’histoire, et la vision théologique qui en découle nous donne à admirer la sagesse divine à l’œuvre :
Sept étapes se succèdent, ou plutôt six vu que la quatrième est le centre, donc pas une étape à proprement parler. On remarquera en même temps que les six étapes de l’histoire humaine se répondent deux à deux, non sans raisons.
Que la mort, la descente aux enfers et la résurrection du Christ constituent le centre de l’histoire relève de la foi. Cependant, n’importe quel historien avisé peut constater que le premier siècle de notre ère fut un tournant dans l’histoire de l’humanité : nous ne vivons plus du tout comme au temps des cultes (très divers), mentalités et organisations d’avant notre ère. Il peut trouver les causes de ces changements dans la « révolution spirituelle » apportée et diffusée par Jésus et les apôtres à ce moment-là, mais aussi dans des courants apparus après la première évangélisation. C’est qu’en effet, la diffusion de la Bonne Nouvelle a bouleversé le monde d’alors (jusqu’en Chine), non seulement à cause un bien spirituel immense (qui ne se voit pas immédiatement extérieurement) mais hélas aussi à cause de contrefaçons de ce bien spirituel qui vont apparaître ensuite et se révéler destructrices (et cela se voit très vite) :
Tout ceci est développé en d’autres articles.
Ultimement, les deux contrefaçons de la foi tendront à fusionner en une seule instance (de type maffieuse et mondiale), qui n’aura plus alors de doctrine précise ; il s’agira de ce qui est nommé « Anti-christ » (ou « l’homme impie » – dit Paul) dans la Révélation. Jésus nous a prévenu pour soutenir notre espérance : “Alors on verra le Fils de l’homme venant sur une nuée avec puissance et une grande gloire. Quand ces choses commenceront à arriver, redressez-vous et levez vos têtes, parce que votre délivrance approche” (Lc 21,27-28).
_________________
[1] Ap 2,1 ; 20, 6.14 ; 21,8.
[2] Paul parle des justes qui resteront sur terre lors du Jour du Jugement (1Th 4,15 araméen b-me’tytah, à la Venue) et qui, plus tard lors de l’ultime passage, entreront dans la gloire des élus : “Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur les nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur” (1Th 4,17).
Ce verset a donné lieu à l’interprétation délirante du Pasteur Darby au 19e siècle, lequel imagina ici un enlèvement des justes à un moment donné, tandis que les autres resteraient sur terre ‒ c’est-à-dire exactement le contraire de ce qui est écrit et que Jésus lui-même avait expliqué : “Ainsi en sera-t-il à lors de l’accomplissement du temps actuel (sunteleia aionos) : les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes et les jetteront dans la fournaise” (Mt 13, 52-53). Ce sont les « mauvais » qui seront enlevés de la terre, selon le Christ.
Des délires darbistes ont été tirés un roman, Left Behind, et même un film ‒ qui n’ont eu de succès qu’aux USA.
Bonjour, merci pour ces articles sur ce thème.
A-t-il été donné une synthèse claire des étapes vers cette entrée de la Création dans la gloire, et de l’articulation des divers enseignements des apôtres à ce sujet ?
Il semblerait que les évangiles, les épîtres de Paul et l’Apocalypse donnent un ensemble d’enseignements épars, ou bien que nous n’arrivions plus à les articuler ensemble.
La « technicité » de vos articles tient peut-être à ce qu’un descriptif suivi (au risque d’être simpliste) manque un peu …
Merci encore.
Un très grand merci pour cet article comme pour les précédents sur ce sujet si important.
Cet article comme le précédent est très clair. Il faudrait peut-être les rassembler dans une rubrique particulière eschatologique et sotériologique.
L’impact d’un certain augustinisme niant l’étape intermédiaire de la rencontre avec Jésus dans la vie personnelle comme dans celle du monde sur la théologie occidentale mérite d’être souligné encore et encore. Car cette négation a de graves conséquences sur la bonne compréhension.
Un ou même plusieurs livres aideraient aussi à faire connaître ces vérités essentielles, pas assez connues ou méditées. Les livres de Mme Breynaert sont par exemple remarquables.
Comme dit un article de ce site : « Le nœud du changement se situe dans le basculement opéré par st Augustin (dans La Cité de Dieu) qui reporte le temps de la millénie à celui de l’Eglise, ce qui réduit les trois étapes de l’histoire à deux : il n’a pas compris que la manifestation glorieuse – la Parousie – et l’entrée de la création dans la gloire étaient deux étapes différentes et nécessaires toutes les deux. Un parallèle doit d’ailleurs être fait avec le domaine de « l’eschatologie » personnelle où il opère un basculement semblable : il réduit les trois étapes (vie terrestre, cheminement après la mort, Eternité) à deux (vie terrestre, Eternité). Il enlève toute consistance à la Rencontre-Jugement avec le Christ dans le mystère de la mort – en quelque sorte une Parousie personnelle – en reportant son contenu sur la vie présente, spécialement au moment de son terme (le dernier soupir). » Le cheminement après mort, passage dans le Shéol (traduit parfois par les « Les Enfers »), est nié contre le témoignage du NT, de même que la Parousie est niée contre le témoignage également du NT.