Egypte : l’idéologie de la haine et de la violence
Persécution des Coptes, idéologie de haine et de violence
Par Adel Guindy, juriste international
La situation des Coptes est plus que jamais précaire, sous la menace de discriminations et de meurtres… même par la police : egypte-un-chretien-torture-a-mort-dans-un-commissariat/. Voir aussi www.eecho.fr/ou-en-sont-les-coptes-apres-deux-revolutions.
L’étendue des attaques anti-coptes
Depuis trois décennies, les Coptes ont vécu sous la persécution de l’ère Moubarak, au cours de laquelle ils ont subi plus de 1500 agressions. Pendant le règne des Frères musulmans (FM), les attaques sont devenues plus barbares, et depuis la chute de leur gouvernement, les Coptes ont payé le prix cher du conflit en cours.
- Dans la période difficile, sous la présidence du Frère Musulman Mohammed Morsi (juin 2012- juillet 2013), les Coptes ont vu le retour des graves persécutions de leur longue histoire. L’ancien guide des Frères musulmans, Mohammad Mahdi Akef , a déclaré dans une conférence publique : « Il n’y a pas de droits pour les Coptes, sauf ce qui a été indiqué dans le Coran » – en référence au statut de dhimmi-s qui doivent payer la jiziyah [qui est un droit de vivre]. Ce Guide a précisé qu’il n’y a pas de droit à la citoyenneté dans un État gouverné selon la charia. En outre , les dirigeants FM ont déclaré à plusieurs reprises que si les Coptes ne veulent pas vivre dans un État islamique , ils ont toujours un « quatrième option » : quitter l’Égypte [les trois autres étant : renier sa foi, payer aux musulmans la jiziyah, ou mourir].
- Les Coptes sont soumis à une guerre d’usure. Pas un jour ne passe sans qu’un Copte ne soit tué, une fille copte enlevée , ou un bien de Coptes détruit ou volé . Plus de 500 coptes ont été tués dans des incidents séparés, depuis le 25 Janvier 2011 – c’est-à-dire depuis la révolution – et près de 500 jeunes filles coptes ont disparu.
- Plus de 100 églises et institutions chrétiennes ont été brûlées ou détruites dans la même période , dont 80 qui ont été détruits le 14 août 2013 après le sit-in de FM dirigé à la place Rabaaal-Adawiyaa été dissous. Ce jour-là (le « Kristallnacht » des Coptes) , une attaque de grande envergure a eu lieu de la part des partisans des FM. En plus, 390 habitations privées coptes ont été attaquées, vandalisées ou incendiées. Parmi les destructions des Islamistes, on compte un monastère vieux de 1400 ans dans Dalga, au Gouvernorat de Minya, et une église vieille de dix siècles.
Pire encore, huit mois après ces attaques, et malgré des «promesses» de l’armée à reconstruire les églises détruites ou endommagées, une seule église est signalée en réels travaux de reconstruction. Comme un signe d’humiliation ultime, les Coptes sont invités à donner de l’argent pour réparer les dégâts, parce que l’État « n’a pas le budget pour faire le travail »!
- Les attaques contre les Coptes ont atteint un niveau de violence qui n’a pas été vu en Égypte depuis que Napoléon est entré en 1798. Voici quelques-uns des nombreux actes de violence.
En mars 2011, les salafistes ont condamnés Ayman Anwar Mitri, copte, à avoir l’oreille coupée.
Le 8 mars 2011, l’armée a tiré sur les manifestants coptes en Manshiyat Nasser au Muqatam à balles réelles, entraînant la mort de 11 coptes et des dizaines de blessés.
Le 9 octobre 2011, l’armée a attaqué des coptes qui manifestaient pacifiquement à la place Maspero (Le Caire), et 27 ont été abattus ou écrasés à mort par des véhicules blindés.
Le 7 avril 2013, la cathédrale orthodoxe copte (le siège papal ) du Caire a été attaquée pour la première fois dans l’histoire moderne par des voyous islamistes, aidés par la police.
Le 28 mars 2014, Marie George a été tuée au Caire après avoir été arrêtée par des Frères Musulmans qui manifestaient : ils avaient vu une croix accrochée dans sa voiture, ont attaqué sa voiture, l’en ont sortie et l’ont torturée avant la tuer par balle.
La persécution persistante
Ce n’est pas le lieu d’examiner l’histoire de Coptes sous le règne islamique depuis l’an 642, et la façon dont ils ont été traités comme des dhimmi-s, placés devant le choix (s’ils ne voulaient pas se convertir à l’Islam), de vivre dans la soumission et payer la jiziyah (abolie seulement en 1855) ou d’être tués par l’épée. Je vais me concentrer sur les quelques dernières décennies.
Depuis l’époque de l’ancien président Sadate, l’État égyptien a participé à de nombreux crimes commis contre les Coptes, par négligence ou même complicité directe. L’absence de justice, et l’impunité pour les auteurs, sont les principales caractéristiques de tous les crimes commis contre les Coptes . Depuis la chute de la règne des Frères, le 3 Juillet 2013, l’État égyptien a prétendu protéger les Coptes des Frères, mais la réalité est que les politiques suivies au cours de l’ère Moubarak sont toujours en vigueur.
- Les Coptes ont été, et sont toujours, opprimés dans le lieu de travail. Le fait que le Conseil suprême des forces armées n’a pas un seul copte dans ses 22 membres montre l’ampleur de l’exclusion des coptes dans l’appareil de l’État .
- En fait, cette exclusion fonctionne d’abord par l’imposition d‘un « plafond » d’environ 2 % de Coptes dans les écoles militaires et les écoles de police, dans le corps diplomatique, la justice (toutes les branches), les postes des universités publiques et la gouvernance locale. La représentation parlementaire au cours des dernières décennies n’a jamais dépassé 2 %.
- Les Coptes sont carrément interdits d’entrer dans des départements « sensibles » tels que le Mukhaberat (services secrets) et la sécurité nationale.
- Les Coptes ont été, et sont toujours, opprimés dans les écoles par la manipulation des programmes d’études et même par l’enseignement de la langue et la littérature arabe qui est principalement fait à travers de textes du Coran.
o Pouvez-vous imaginer si la langue et la littérature française étaient enseignées à travers des textes bibliques presque exclusivement !
- Les Coptes ont été, et sont toujours, opprimés dans la vie quotidienne, en l’absence d’application des lois contre les crimes de tous les types de harcèlement.
- Les Coptes ont été, et sont toujours, opprimés par les tribunaux judiciaires : les viols, les assassinats, le vandalisme et les destructions d’églises et de biens, entre autres crimes graves, ont été largement négligés par les juges de l’Égypte.
o En matière de statut de famille (adoptions et héritages), les Coptes sont soumis à des règles de la charia, celle-ci étant la loi dominante sur tous.
o Des crimes odieux restent impunis sous des prétextes ridicules et odieux. Par exemple, les viols suivis par un mariage forcé. Le prétexte serait que la femme s’est « convertie » à l’islam.
- Les Coptes ont été, et sont toujours, opprimés dans leur liberté religieuse, d’abord par les fréquentes attaques contre les bâtiments et les fidèles qui y viennent, et aussi à cause des restrictions draconiennes sur la réparation de vieilles églises ou la construction de nouvelles : cete oppression est « institutionnelle ».
L’idéologie de la haine
Derrière les attaques répétées par des « foules », on trouve les sermons de haine tenus par des prédicateurs islamiques. Ainsi, le leader salafiste Yassir Burhami et ses collègues annoncent leur haine pour les chrétiens sur les chaînes satellitaires et dans les mosquées : ils affirment que la haine contre les chrétiens est synonyme d’amour pour Dieu ; selon leur propre expression, il faut avoir « la haine en Dieu ».
Sheikh Burhami affirme, sur une vidéo, que même si un musulman épouse une chrétienne ou juive (ce qui est autorisé par l’Islam), il doit encore détester sa femme parce qu’elle est mécréante. Interrogé lors d’une conférence, Burhami a expliqué :
- “Un [mari musulman] peut aimer la façon dont elle [son épouse non-musulmane] lui ressemble, ou aimer la façon dont elle élève les enfants, ou le fait qu’elle a de l’argent (…). Mais il est ordonné de lui faire haïr sa religion, tout en continuant le mariage et les relations sexuelles avec elle. C’est une question très courante ….
Bien sûr, il devrait lui dire qu’il déteste sa religion. Il doit lui montrer qu’il la déteste à cause de sa religion, parce qu’elle est un mécréante. Mais, si possible, il doit bien la traiter, ce qui peut la pousser à se convertir à l’islam. Il devrait l’inviter à l’Islam et l’appel à Allah (…).
En fait , permettez-moi de vous dire : celui qui viole une femme, l’aime t-il nécessairement ? Ou est-il juste de coucher avec elle? Il couche avec elle à cause de son corps seulement, et il ne l’aime pas en réalité, parce que s’il l’aimait, il ne lui aurait pas fait de mal. Par conséquent, il est possible d’avoir des relations sexuelles [entre un homme musulman et une femme chrétienne ou juive] sans amour”.
Qu’est-ce qui doit être fait ?
- Les Coptes cherchent une véritable égalité. Ils s’efforcent d’atteindre la pleine et inaliénable citoyenneté et l’égalité civique, en vertu d’une constitution et des lois laïques, établies en conformité avec les normes internationales édictées par les conventions et traités des droits humains.
- Les droits des Coptes ne devraient dépendre de la bonne volonté, de la protection, la « tolérance », ou de la magnanimité de personne.
- L’avenir de l’Égypte est étroitement liée à sa capacité à créer un État-nation moderne, où les citoyens tirent leurs droits de leur état de citoyen, quelle que soit leur croyance (ou de toute autre particularité qui pourrait être une source de discrimination). Ceci ne peut être atteint que dans un système :
o où la religion est séparée de la politique et maintenue dans le domaine du droit de l’individu,
o où l’État et le domaine public soient neutres vis-à-vis les religions.
- Ce qui précède ne peut être atteint tant que les références à la charia restent dans la Constitution.
o La charia, en substance, permet non seulement à la longue histoire de la persécution des coptes de continuer, mais ne peut que l’accentuer à l’avenir.
o La charia met clairement les « croyants » (= les musulmans) au-dessus des « mécréants », et les hommes au dessus des femmes. En outre, la charia limite drastiquement la liberté de croyance (pensons à l’apostasie) et la liberté de pratique religieuse pour les non-musulmans.
o En d’autres termes, la charia est intrinsèquement discriminatoire, et l’adoption de lois sur la base de la charia (ou compatibles avec elle) conduit inévitablement à un système à deux vitesses dans lequel les non-musulmans (et les femmes) sont des citoyens de seconde zone.
- L’Égypte doit apprendre de l’expérience des autres pays, et faire face carrément et courageusement à ces problèmes existentiels ; elle doit les traiter avec les bonnes politiques et lois.
o La Constitution de 2012, écrite par les Frères et les salafistes (avec la collaboration d’Al-Azhar !), aurait établi un état théocratique en Égypte.
o La Constitution (modifiée) de 2014 est un meilleur document ; elle présente des points liés à l’amélioration des droits et libertés. Toutefois, ceux-ci doivent être inscrits dans des lois et être mis en pratique par des politiques.