Calendrier de Noël et psautier de Pierre
Dater Noël avec le psautier de Pierre
Voici deux articles à la suite l’un de l’autre, étant donné que le premier (du CEP) se réfère au Psautier traduit par l’apôtre Pierre à Rome ; cela nous a paru judicieux de le faire suivre par le second qui parle de ce Psautier (traduit de l’italien, de 30Giorni).
Sur les origines du calendrier de Noël
CEP n° 1 (1997), par Ammassari Antonio
À partir de l’antique Psautier de Pierre, en usage avant la réforme grégorienne, Antonio Ammassari a pu reconstituer l’ordre de lecture quotidienne des psaumes à l’époque du Christ. On constate d’étonnantes coïncidences entre tel événement de l’Evangile et tel versets du psaume du jour, apportant une confirmation de la date du 25 mars pour l’Annonciation, et du 25 décembre pour la Nativité. Outre l’harmonie préétablie entre l’Ecriture sainte et Jésus-Christ, cet article tend à montrer l’étroite continuité de la prière collective depuis celle du Temple jusqu’à celle de l’Eglise.
A l’occasion d’une recherche sur le Psautier latin anonyme traduit de l’hébreu et conservé dans le Codex Latin Cassines 557, en définitive reconnu comme étant le “Psautier de Pierre” (voir [infra]), nous avions considéré les antiennes “ad communionem”, tirées des Psaumes 1-26 en succession continue, comme l’élément le plus ancien du Missel [1]. Les antiennes commencent au Mercredi des Cendres (1er jour de Carême) et se poursuivent jusqu’à la Semaine sainte, si l’on considère comme étant jours liturgiques dans la semaine le mercredi (psaumes 1,5,10,15), le vendredi (Ps 2,6,11,26), le samedi (Ps 2,7,22,26), le lundi (Ps 8,13,18,23), et le mardi (Ps 4,9,14,19,24). Comme le jeudi, avant le pape Grégoire II, était considéré comme un jour a-liturgique, on devait donc admettre l’antiquité de l’ordre de succession des antiennes, et le faire remonter à saint Grégoire le Grand 2 . Au reste l’introduction de l’Antiphonaire renvoyait à des documents et des avertissements antérieurs : “Le chef de chœur Grégoire, digne du nom et des mérites où il a conduit le genre au plus haut sommet, s’est élevé à l’honneur, en renouvelant les monuments des premiers Pères, quand il composa ce petit livre sur l’art musical de l’Ecole des Chants” 3.
En admettant l’exactitude historique de cette déclaration, si l’on projette les antiennes dans les semaines successives et selon le rythme des jours liturgiques et a-liturgiques, on obtient un cursus complet de lecture continue des Psaumes des 6 autres mois, soit depuis les mois d’Adar et Nisan, jusqu’à celui d’Elul, selon l’ancien calendrier solaire biblique 4 , retrouvé à Qumrân et étudié par le bibliste français A. Jaubert 5 . Cette projection nous permit de découvrir que l’évangéliste Luc et Jésus lui-même connaissaient ce cursus : elle donnait les raisons de la citation que Jésus, en avait fait sur la croix, la tirant du psaume du jour (Ps 30: 6 cf. Luc 23 : 46 : “Entre tes mains je remets mon esprit”) 6.
On comprend pourquoi Pierre, dans la réunion des frères et disciples au cours de laquelle Matthias fut substitué à Judas, a cité le psaume du jour “Que sa demeure devienne déserte et que nul n’y habite” (Ps 68,26 cf. Actes 1,20). L’Ascension de Jésus coïncidait avec le Ps. 67,33-34 “Royaumes de la terre, chantez à Dieu. Célébrez le Seigneur ! Chantez à celui qui est porté sur les cieux, les cieux antiques. Voici qu’il fait entendre sa voix, une voix puissante !…” et les derniers versets du psaume 76,18-19 “Les nuées déversèrent leurs eaux, les nues firent entendre leur voix et tes flèches volèrent de toutes parts… La terre frémit et tremble”, avaient fourni à Luc des raisons et images pour décrire la Pentecôte de l’Esprit Saint (Actes 2,1-3 ; 4,31) : “Tout à coup vint du ciel un bruit semblable à un fort coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient. Et ils virent apparaître, semblables à du feu, des langues qui divisaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux”, et Actes 4 : 31 : “Le lieu où ils se trouvaient réunis trembla” 7 .
En conclusion, les antiennes de Communion mises en ordre par saint Grégoire et issues des restes de l’ancien cycle quadragésimal et pascal de l’Eglise de Rome, trouvent confirmation dans l’Evangile de Luc et dans les Actes ; le cycle de lecture continue des Psaumes pouvait être comparé à ceux de Qumrân et des traditions juives orthodoxes et être appliqué au “Psautier de Pierre”.
Il restait encore à expliquer la liaison du cycle de Noël avec celui de Pâques. Dans une étude approfondie du calendrier de la secte de Qumrân 8, le Prof. Shemaryahu Talmon, de l’Université de Jérusalem, a reconstitué les 24 tours de service, dans le temple, des familles sacerdotales. Il a comparé l’ordre de succession de leurs jours, qui coïncide avec la liste du livre des Chroniques, et individualisé les semaines selon les mois du calendrier de Qumrân, celui même que nous venons d’utiliser. “Le premier sort échut à Joïarib, le deuxième à Jêdéï, le troisième à Harim, (…) le huitième à Abiah, le neuvième à Jésua, (…), le vingt-quatrième à Mazziaü” (I Chron 24 : 7-18).
A l’aide de ces tours, les annotations de Luc dans son Evangile de l’enfance du Seigneur deviennent intelligibles. Luc dit que le prêtre Zacharie était de la classe d’Abiah et qu’il exerçait ses fonctions au temps où l’Ange Gabriel lui annonça la naissance du fils qu’il devait nommer “Jean” (Lc. 1,5-13). Eh bien! Selon l’ordre des tours et le calendrier qûmranique solaire, la famille d’Abiah servait au Temple deux fois par an du 8e au 14e jour du 3e mois, et du 24 au 30 du 8e mois.
Tableau des tours de service au Temple
La naissance de saint Jean-Baptiste, fixée au 24 juin dans le Missel romain qui concorde avec la tradition orientale, fait retenir que la rencontre avec l’Ange arriva du 24 au 30 du 8e mois. Sa naissance – après 8 mois – peut bien se produire au commencement du 4e mois de l’année suivante, Tammuz, et le nom de “Jean”, théophorique 9, incluant la racine hébraïque “hanan” (avoir compassion, faire miséricorde), intervient comme verbe dans le Psaume 85, 3:16, mais aussi comme substantif “hannûn” (Ps 85,15) et “tahanûn” (Ps 85,5). Selon le cycle des antiennes, ce psaume était lu le 3 du 4e mois, vendredi, de Tammuz10. Comme il est noté, Luc date l’annonciation de l’Ange à Marie au 6e mois après la conception de Jean (Lc 1,26) et toute la liturgie orientale et occidentale, donc également le Missel Romain, indiquent la date du 25 mars. Luc ajoute ensuite que les jours suivants Marie fut reçue par sa parente Elizabeth, et récita son Magnificat (Lc 1, 39,46-55). Dans ce cas encore, l’Ange indique le nom qu’il faut donner à l’enfant qui va naître : “Jésus”. La racine hébraïque Iashah intervient avec une spéciale insistance (6 fois) dans le Psaume 17 qui était lu le 31 d’Adar ; (V. 3, 4, 28, 36, 47 et 51). D’autre part le même psaume comporte la racine rûm, l’hébraïque supposée de “Magnificat” (Ps 17,49), qui se retrouve encore au verset 47.
On doit retenir que la date du 31 d’Adar correspond au 25 mars. Au reste, la racine Iasha (sauver) intervient encore au tout début du mois suivant, celui de Nisan, au Ps 19,6 ainsi que Ps 20,2.6.10 et Ps 22,4. En supposant que Marie se soit fixée à Nazareth trois semaines avant de se mettre en route, son arrivée chez Elizabeth peut être survenue en coïncidence avec la lecture de Ps 33, 4 “Magnificate Dominum mecum et exaltate nomen ejus in se”.
La naissance de Jésus le 9e mois, et son attribution au 25 décembre remonte ainsi à une tradition judéo-chrétienne enregistrée implicitement par Luc 11.
(Traduit de l’italien par M. Jean-Charles Ceruti à partir de l’original italien publié dans Euntes Docete XLV (1992) p. 11-16).
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[1] A. Ammassari, Il Salterio Latino di Pietro, éd. Città Nuova, Rome 1987, pp.38-49.
2 Dom Cagin, Un mot sur l’Antiphonale Missarum, Solesmes 1890, p.18.
3 Antiphonale Missarum Sextuplex, éd. René-Jean Hesbert, Bruxelles 1935.
4 A. Ammassari, Il Salterio Latino di Pietro, cit., pp.40-41.
5 A. Jaubert, Le Calendrier des jubilés et de la secte de Qumrân. Ses origines bibliques, in V.T. Suppl. III, 1953 ; Id., Le Calendrier des jubilés et les jours liturgiques de la semaine, in V.T. Suppl. VII, 1957.
6 A. Ammassari, Il Salterio Latino di Pietro, cit., pp.45-46.
7 Idem, ibidem.
8 Shemaryahu Talmon, The Calendar Reckoning of the Sect from the Judean Decret, in Scripta Hierosolymitana, vol. IV, Jerusalem 1958, pp.168-176.
9 Ndlr. Io-Hanan signifie “Dieu a pitié”, Io (et Ia) faisant partie des dénominations de Dieu les plus usitées, avec El, dans la composition des noms théophoriques.
10 Le psaume 89 était lu le mercredi suivant, le 8 de Tammuz ; il se termine par le verset “Béni soit à jamais le Seigneur ! Amen ! Amen !” (Ps 89:53) et peut avoir inspiré à Zacharie, père de Jean, le début de son cantique “Benedictus” (Luc 1:68).
11 Déjà dans une étude précédente, la Famille du Messie. Note sur l’Evangile de l’Enfance de Jésus in Bible et Orient 5 (1977), nous relevions que Luc reflétait une ambiance sociale typique et historiquement documentée quand il certifiait la virginité de Marie dans le domaine d’une famille davidique.
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L’étude sur le PSAUTIER de PIERRE
30Giorni n° 6 / Fête des SAINTS PIERRE ET PAUL 2021
L’apôtre Pierre a-t-il traduit le Livre des Psaumes ?
La nouvelle Sion où se rencontrent juifs et païens
par Tommaso Federici
http://www.30giorni.it/articoli_id_2569_l1.htm
Il y a quelques années, une découverte sur Pierre, que l’on peut difficilement qualifier de sensationnelle, a été faite. Un érudit de grande valeur, le bibliste Antonio Ammassari, a eu la chance d’étudier un ancien codex, datant du XIIe siècle, dans lequel il a identifié un texte bien connu des critiques, mais jamais examiné en profondeur. La publication, impressionnante et massive, a été réalisée en trois volumes et s’intitule : Le psautier latin de Pierre :
- I. Introduction et commentaire du Psautier latin traduit de l’hébreu par Pierre, troisième dans l’ordre du quadruple Psautier selon le Codex latin Cassinese 557 ;
- II. Archives de Montecassino – Codex Latin Cassinese 557 (pp. 173-260), reproduction phototypique ;
- III. Transcription et reconstruction du texte du troisième psautier latin dans l’ordre du quadruple psautier selon le codex latin Cassinese 557, Rome 1987.
L’auteur en a fait un compte-rendu détaillé dans L’Osservatore Romano du 15 juillet 1987, dans l’espoir que les chercheurs se familiarisent avec ce travail et développent les implications extraordinaires qu’il implique. On pensait que cette étude ferait date parmi les personnes compétentes. En réalité, il n’y a eu que de rares comptes rendus, peu concluants, et pas par des spécialistes, qui auraient dû être des historiens, des paléographes, des diplomates, des philologues, des biblistes, en particulier ceux qui connaissent bien le Psautier, et des théologiens. En ce qui concerne la fête de Pierre et Paul, l’occasion nous est donnée ici d’avancer quelques remarques sur une affaire d’une importance extraordinaire.
Tout d’abord, d’où vient que l’apôtre Pierre aurait traduit le Psautier, c’est-à-dire le Livre des Psaumes ? Avant de l’affirmer, Antonio Ammassari, qui passe en revue les nombreuses citations et allusions au Psautier que Pierre fait dans ses deux épîtres, examine en effet d’abord le texte et les données de son contexte archéologique, historique et littéraire avec un sens scientifique et une acuité incroyable, pour enfin présenter l’hypothèse comme possible et en même temps comme fondée. Ce qui suit est une tentative d’apporter quelques lignes.
La première question à poser est celle de la venue du juif Pierre à Rome. Dans son Chronicon, Eusèbe de Césarée atteste de l’ancienne tradition selon laquelle Pierre serait resté 25 ans à Rome, une donnée reprise par Jérôme, De viris illustribus 1, et plus tard par le Liber Pontificalis 20,2,30,118. Dans son Histoire ecclésiastique 2.15, le même Eusèbe témoigne que la prédication de Pierre à Rome, comme on pouvait s’y attendre, a été entravée et combattue de divers côtés, mais qu’elle a aussi été largement couronnée de succès. Et cela non seulement grâce à la diffusion de l’Évangile, mais aussi grâce à une production littéraire comme celle de l’Évangile de Marc qui, écrit après Matthieu et Luc et suivant le plan de Matthieu, rapporte le contenu de cette prédication. On sait plus précisément par des sources de la fin du IIe siècle que, pourchassé par le roi Hérode (Ac 12, 1-19), Pierre avait longé les côtes phéniciennes et syriennes, fondant des Églises. Puis il était arrivé à Rome vers 52 ou 53, échappant toujours à la police romaine, vivant dans la clandestinité mais prêchant sans cesse. Jusqu’à ce qu’il soit dénoncé par ses frères et qu’il rende témoignage à son Seigneur par sa vie, selon la prophétie divine (Jn 21,18-19). De l’activité littéraire de Pierre, il reste les deux épîtres qui doivent être considérées comme authentiques, malgré les démentis de l’hyper-critique, et qui s’accordent avec la théologie paulinienne dans leurs fondements et leurs thèmes principaux.
Pierre trouve à Rome une communauté chrétienne née de la prédication de missionnaires juifs chrétiens envoyés sans doute dès la première heure par l’Église judéo-chrétienne de Jérusalem. Et une communauté déjà formée, si Paul, qui lui adresse l’épître la plus importante au cours de l’hiver 57, affirme que leur foi est déjà répandue et connue dans le monde entier (Rm 1,8). En outre, selon la liste des ministères de cette communauté, accompagnée de charismes, Paul mentionne également un président de la célébration communautaire, des enseignants et des diacres (Rm 12,7-8). Les chrétiens de Rome venaient alors en partie du judaïsme, qui au début était aussi la majorité spirituelle, et les croyants de ce groupe, comme le soulignent plusieurs études récentes, possédaient déjà, selon toute probabilité, d’anciennes versions latines des Écritures de l’Ancien Testament, qu’elles soient complètes ou partielles. Les chrétiens de Rome provenaient alors en partie du paganisme grec et romain. Cela provoquait des tensions en leur sein, et bien sûr beaucoup de tensions avec le milieu païen, qui tolérait déjà mal les Juifs, autrefois protégés par le divin César (mais voyez alors contre eux l’adversité intellectuelle d’un Cicéron, ou le sarcasme grossier d’un Horace).
Pierre a bien compris cette situation. Il partait de ce qu’il avait appris du Seigneur, ayant entendu de lui qu’il n’était envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël (Mt 15,24), l’ayant vu jeûner dans la Cène par amour pour son peuple bien-aimé (une tradition très ancienne du 1er siècle le rapporte également), et sachant avec Paul qu’il s’était fait un humble « diacre de la circoncision » (Rm 15,8). Les privilèges divins d’Israël étaient intangibles (Rm 9,1-4), car les Juifs sont et restent « les bien-aimés de Dieu à cause des pères » (Abraham, Isaac, Jacob), car « les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance » (Rm 11,28-29).
Ensemble, Pierre écrit aux tribus d’Israël dispersées, mais désormais rachetées par le sang de Jésus-Christ et donc sanctifiées par l’Esprit Saint, appelées par le Père à l’unité de l’Israël messianique (1P 1,1-2). À Rome, il avait trouvé d’anciens groupes de Juifs devenus fidèles au Christ.
Enfin, Pierre et les douze avaient été envoyés par le Seigneur ressuscité « à toutes les nations » des païens pour les baptiser au seul nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, en faisant d’eux des disciples du Christ (Mt 28,19), proclamant l’Évangile à toute la création (Mc 16,15), prêchant, revêtu de l’Esprit Saint venu d’en haut, la conversion des cœurs et la rémission des péchés à toutes les nations, en commençant toutefois par Jérusalem (Lc 24, 47-49), dans le don de la paix divine messianique et l’investiture du souffle tout-puissant de l’Esprit Saint (Jn 20, 19-23). À Rome, Pierre trouve aussi les anciens païens devenus chrétiens. L’Israël fidèle à l’Ancien Testament, l’Israël messianique qui avait adhéré au Christ Seigneur, les païens qui étaient entrés dans l’Israël messianique : Pierre avait affaire à ces trois composantes sur lesquelles la rédemption divine avait été déversée, avec deux résultats différents.
Antonio Ammassari, connaisseur exceptionnel des sources, relève les parallèles de la littérature judéo-chrétienne originale en langue latine, qui commence quelques décennies seulement après le Psautier de Pierre et se poursuit jusqu’au milieu du IIIe siècle. Ainsi, une version très ancienne de la première épître aux Corinthiens de Clément de Rome (année 96), le 5e livre d’Esdras, le Pasteur d’Hermas, l’Adversus Iudaeos anonyme, le De montibus Sina et Sion, le De centesima, sexagesima trigesima, la Passio sanctae Perpetuae et Felicitae, le poème Carmen de duobus populis de Commodianus, jusqu’au De Trinitate de Novazian, sont remis en question. L’environnement historique et culturel latin dans lequel Pierre a vécu à Rome est évident. De plus, Pierre a trouvé à Rome, comme on l’a dit, des versions plus ou moins complètes, plus ou moins littérales, de l’Ancien Testament. C’est dans ce contexte que le Psautier de Pierre a vu le jour.
C’est ici, note Antonio Ammassari, que se manifeste la chaude tendresse de Pierre, contaminée par la charité du Seigneur. D’une part, il conserve un respect absolu pour l’Israël de Dieu, le fils premier-né, le bien-aimé du Seigneur (voir Ex 4,22-23). D’autre part, l’Israël messianique rassemblé autour du Seigneur par la grâce de l’Esprit du Seigneur est pris en charge avec passion, composé de pierres vivantes qui vivent de l’Esprit Saint, qui adhèrent à la Pierre vivante qu’est le Christ Seigneur pour former avec Lui le Temple d’où les sacrifices acceptables montent vers le Père par le Fils dans l’Esprit Saint (1 P 2,1-10).
Dans le Psautier de Pierre, tout cela résonne avec des notes variées. La miséricorde divine pour Israël rassemblé, étendue aussi aux nations ; la nouvelle Sion vers laquelle convergent juifs et païens ; l’état de persécution et de tribulation des fidèles pauvres et humbles, sans nom mais connus du Seigneur ; l’attente de la paix divine déjà donnée et maintenant à réaliser ; l’espérance messianique qui se profile déjà à l’horizon. Et l’empressement de l’auteur à proclamer le nom divin aux nations de la terre, les appelant à la prière, au pardon des errants et des pécheurs appelés à l’espérance, à la prise de conscience qu’il existait désormais le « peuple des nations [païennes] » à côté de l’ancien « Israël pieux » de Dieu. L’auteur du Psautier de Pierre travaille sur le Psautier hébreu. Il supprime les titres des psaumes, les considérant désormais comme les prières du Christ et de ses fidèles ; il traduit à la lettre en latin, tout en conservant de nombreux hébraïsmes et des termes hébreux qui ne sont pas traduits mais seulement translittérés ; il réunit dans certains versets de petits décalages d’expressions, en leur donnant un sens ; de certains versets, il donne une interprétation midrashique (c’est-à-dire à la manière hébraïque, symbolique et édifiante) ; il insiste longuement sur la Pierre divine, comme on appelle souvent le Seigneur, comme lieu de l’unique refuge, non sans faire allusion à Kepa, la Pierre de la foi sur laquelle est fondée l’Église. En même temps, elle affirme l’unicité de Dieu dans la triple distinction des Personnes, en les diversifiant, par exemple en attribuant au Père le titre latin de gloire, et au Fils le titre latin parallèle de claritas, qui signifie également gloire ; en appelant Lux le Père et, de même, Lumen le Fils. Avant la crise arienne des IVe et Ve siècles, ces formes d’expression étaient parfaitement orthodoxes et ne révélaient pas le moindre sentiment de subordination dangereuse.
Ce Codex Cassinese latin 557 contenant le Psautier de Pierre n’était pas inconnu dans l’Antiquité. Jérôme, par polémique contre les juifs littéralistes, travailla à deux traductions latines du Psautier, d’abord le Psalterium Romae, basé sur la version grecque de la Septante, qui devint le Psalterium gallicanum, puis entra malgré tout dans la Vulgate ; puis une conduite directement sur l’hébreu, le Liber Psalmorum iuxta hebraicum translatum. Mais il utilisa aussi un canevas, qu’il ne nomma pas mais auquel il fit allusion dans sa préface au Psautier selon l’hébreu, envoyé à son ami Sofronius, qui était mécontent parce que ce texte procédait selon un strict littéralisme, abolissait les titres des Psaumes, et conservait la traditionnelle distinction hébraïque en cinq livres. Ce texte est précisément celui qu’Antonio Ammassari a identifié comme étant le Psautier de Pierre.
Le Codex 557 avait donc heureusement réuni, non par hasard, un quadruple Psautier, c’est-à-dire quatre versions du même texte, dans l’ordre suivant : deux Psautiers de Jérôme, à savoir l’Iuxta Hebraeos et l’Iuxta Septuaginta gallicane, en troisième position le Psautier de Pierre, toujours l’Iuxta Hebraeos, et enfin le Psalterium Romanum.
L’importance du Psautier de Pierre a été reconnue dès 1800 par plusieurs érudits de renom. Eberhard Nestlé lui-même, dont dérive le texte critique le plus utilisé à ce jour, avait souhaité que les chercheurs en tiennent compte dans l’appareil critique moderne. Cela ne s’est jamais produit.
C’était également le souhait d’Antonio Ammassari, et pas seulement le sien. Même si, en ces temps de cimetière de la culture théologique authentique (et non de la systématique moderne toujours dévoyée), il est presque inutile de faire des appels à de riches réalisations.
T.F. / Texte PDF
Merci merci pour ce beaucoup cadeau de Noël que ces deux articles. Cela ouvre pas mal de réflexions.
Si Pierre est arrivé à Rome en 52-53, et vu que sans son Chronicon, Eusèbe de Césarée atteste de l’ancienne tradition selon laquelle Pierre serait resté 25 ans à Rome, une donnée reprise par Jérôme, De viris illustribus 1, et plus tard par le Liber Pontificalis 20,2,30,118, cela donne peut-être une date trop tardive pour son martyr.
Luc et Jésus lui-même connaissaient ce cursus complet de lecture continue des Psaumes selon l’ancien calendrier solaire biblique, retrouvé à Qumrân et étudié par le bibliste français A. Jaubert et montre que Jésus citait et commentait le psaume du jour y compris sur la croix (Ps 30: 6 cf. Luc 23 : 46 : “Entre tes mains je remets mon esprit”). On peut se demander si ce cursus est toujours celui en cours dans le calendrier synagogal ou bien si le calendrier luni-solaire implique un ordre de lecture différent différent. Par ailleurs, cela donne envie de savoir si cela ne complète les explications du Père Guigain qui a montré que les paroles et prédications de Jésus pouvait être rapportées aux lectures du calendrier synagogal de lecture des parashiot. Peut-être que cela confirme même ces lectures et que donc on peut savoir au jour près quand a eu lieu tel ou tel événement de Jésus s’il commente tel psaume ou tel parasha ! On pourrait ainsi écrire une biographie au jour le jour de la vie de Jésus.