Barthélemy, apôtre de l’Arménie
Barthélemy et l’Arménie
Extrait de Armand Tchouhadjian ,
préface de Pierre Maraval, Armenia Christiana, 2011, p.238 :
Saint Barthélemy, Apôtre
Bartholomeus Nathanael, Bartolomeo, Barthel, Bartoghomeos (en arménien, prononcer Bartolomeos)
Fête le 24 août
Évêque de Rome : Saint Lin (67-76) ?
Empereur romain : Vespasien (69-79)
Roi d’Arménie : Tiridate Ier (66 – env. 80)
Saint Barthélemy, l’apôtre, fait partie des saints connus en Europe par leur culte seulement avec, surtout, la particularité d’être avec saint Thaddée l’un des évangélisateurs de l’Arménie.
Les sources.
Elles sont nombreuses et relativement fiables. Les textes[1] s’accordent à dire qu’il évangélisa l’Arménie.
Présenté à ]ésus par son ami Philippe, Barthélemy-Nathanaël[2] (nom qui signifie « don de Dieu »), est accueilli par le Seigneur au moyen d’un éloge hors pair : « Voici vraiment un Israélite, en qui il n’y a nul artifice » (Jean I, 47). Cet éloge fera dire à saint Augustin : « Glorieux témoignage qui ne fut rendu ni à André, ni à Pierre, ni à Philippe, et dont Nathanaël est jugé digne » (Commentaire de l’évangile de Jean VII,16). Mais il y en a des apocryphes également.
Il passe pour avoir évangélisé l’Arabie, la Mésopotamie et s’être rendu jusqu’aux Indes. À son retour en Arménie, à Albane, il subit le martyre, écorché vif et décapité la tête en bas !
De ces légendes, l’hagiographie a tiré parti. Grégoire de Tours puis Jacques de Voragine racontent comment le corps du martyr est arrivé miraculeusement à Lipari[3] en Sicile, dans un coffre ! Ces reliques subirent les avanies des invasions et plusieurs églises se les disputent maintenant.
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[1] Moïse de Khorène, trad. Mahé-Langlois, 1993*, p. 191, Historiens anciens et modernes de l’Arménie, rééd. 2001*, t. I, p. 330, 338, 361, il est donné comme évangélisateur de l’Arménie, et plus précisément à partir du Xe siècle. JACQUES DE VORAGINE, trad. Roze, 2004*, p. 125-133; Van Esbroeck, « La naissance du culte de saint Barthélemy en Arménie », REArm, NS, 17, 1983, p. 171-205 ; YEVADIAN, 2007*, p. 119-126. Nous proposons au lecteur de s’y référer pour la bibliographie.
[2] Personnage de l’Evangile de saint Jean. Le rapprochement des deux noms n’est pas une certitude.
[3] La Gloire des Martyrs, chap. 33.
[à gauche :] Enluminure arménienne de la Pentecôte.
Cette configuration anonyme de la Pentecôte, exécutée en 1272, est une création sur la base de plusieurs scènes bibliques.
Le thème principal est la descente de l’Esprit Saint sur les apôtres assis en arc de cercle. Ils ont un tapis sous les pieds, ce qui est caractéristique de l’enluminure arménienne.
Au centre, les peuples à évangéliser sont figurés. Leur diversité est illustrée par un homme à la tête de chien, un homme noir et plusieurs autres portant des coiffes exotiques.
Le détail de l’exécution des portraits rend les apôtres reconnaissables. Dans la partie haute, Dickran Kouymijan a reconnu Pierre et Paul bien que Paul n’assistait pas à cette scène. Puis, de part et d’autre, il y a Matthieu et Luc à droite et Jean et Marc à gauche, bien que Marc et Luc n’aient jamais été des apôtres. Les six personnages restant sont plus difficiles à identifier. Il est possible de supposer qu’il s’agit de Philippe, Thaddée et Jacques à droite, Thomas, Barthélemy et André, à gauche.
Précisions (selon Pierre Perrier) :
Nathanaël, « Dieu a donné » , est probablement un propriétaire terrien de Cana, qui est versé dans les Ecritures, ce qui lui vaudra le surnom de Bar-Thélemy c’est-à-dire « fils de Toulmaï » ou « Jarre à Ecritures ». Il fut d’abord un disciple de Jean-Baptiste. Selon l’interprétation exégétique occidentale de Jean 1,48, Jésus le repère sous un figuier en train de méditer l’Ecriture, mais les traditions orientales disent que Jésus fait allusion là à un événement que lui seul et sa famille connaissaient : un moment durant le massacre des innocents (Mt 2,16s), Nathanaël encire bébé aurait été dissimulé sous un figuier. C’est Philippe qui l’avait contacté (ils devaient se connaître avec Jacques et Jean, Pierre et André dans l’entourage de Jean-Baptiste) : il lui avait dit de venir voir Jésus. Jésus le reconnaît comme un véritable israélite en qui il n’y a pas de ruse, un homme au cœur droit et sincère. En attente de l’accomplissement des prophéties, il était désespéré de l’échec apparent de la dynastie davidique. Mais il dit à Jésus : « Rabbi, c’est Toi le Fils de Dieu, c’est Toi, le Roi d’Israël » (Jn 1, 49).
Jésus ressuscité lui fait vivre une seconde pêche miraculeuse alors qu’il accompagne Pierre à la pêche, avec Thomas. Tous deux, les terriens, vont aider les pêcheurs pour cette pêche qui est un miracle prophétique au sens essentiel.
Barthélémy part rejoindre avec Thomas la diaspora hébraïque de Ninivede 40 à 43 – cette ville (Mossoul aujourd’hui) se convertit, réalisant ainsi le signe de Jonas, et sera jusqu’à sa prise par l’Etat Islamique en 2014 un centre essentiel du christianisme de la Grande Eglise araméenne.
L’intention de Thomas et Barthélemy est de continuer vers la Chine, mais la guerre d’invasion des Koushan en Bactriane en 45 les oblige à faire demi-tour. Barthélémy revient à Ninive pour tenter la voie du nord, par le Caucase et les steppes. En 46-47 au-dessus de Nisibe, il est mal accueilli par un groupe de Judéo-pharisiens et meurt martyr quelque part sur les bords de la Mer Caspienne, en Arménie du nord. Thomas parviendra à rejoindre la diaspora hébraïque de Chine, mais quelques années plus tard et en passant par la voie maritime et donc l’Inde (en 65-68).
Son corps aurait été transporté de Grande Arménie aux îles Lipari en 580. Là les Sarrasins auraient brisé son tombeau et dispersé ses ossements dont certains ont alors été transférés à Bénévent puis à Rome en 873, dans l’île Tibérine, dans une église du Ve siècle nommée Saint Barthélémy-en-l’île. Sa fête a été initialement célébrée le 11 juin tant en Orient qu’en Occident. Elle l’est actuellement le 24 août chez les catholiques et le 25 août chez les orthodoxes, en rappel de la translation des reliques (le 11 juin aussi).